Etre un héros et mourir d’un accident de la route… Voilà une manière bien bête de rendre l’âme, surtout face aux dangers du quotidien pour quelqu’un qui affrontait des criminels à tour de bras. Cependant, ce n’était pas une petite route de campagne ou de montagne qu’elle arpentait là avec une allure modérée en mettant bien ses clignotants. Là, clairement, foutre les machins lumineux était sa dernière foutue idée !

Le plan, si tenté que c’en était un, était de laisser Schwarz aborder le véhicule qui les précédait. Une maoeuvre audacieuse, dangereuse, mais qui était peut-être l’une de leurs rares options compte tenu de l’urgence et de leur manque de gros calibre était une affreuse limitation tout de même. La prochaine fois, elle se grefferait un lance missile dans le poignet, au moins elle aurait toujours réponse à tout.

“Faudra faire avec !”

De toute façon, pour faire ce métier, il fallait déjà être un peu félé et oser prendre des risques inconsidérés au quotidien, donc même si cela n’avait qu’une chance sur deux de réussir, même si c’était suicidaire, il fallait tenter. Ainsi, elle se rapprocha, longeant le mur gauche pour gagner de précieux metres. Un simple tuyau qui trainait là pourrait, à cette vitesse, les réduire en charpie, d’autant qu’aucun ne portait de casque ou de gilet jaune.

Les tirs s’enchainait, s’échangeait. Ses boucliers encaissaient pas mal, mais un tir vint à l’atteindre à la cheville, lui faisant serrer les dents comme jamais. Même si elle était protégée là, ça restait une affreuse douleur dont elle se serait bien passée. Mais elle y était, d’autant que ce serait peut-être l’une de leurs seules chances, la fin du tunnel annonçant qu’ils devraient faire face aux deux véhicules et aux motards en même temps.

Mais alors qu’elle arrivait côte à côte avec le véhicule, ce dernier vira, tentant de les broyer contre le mur. Dreadnought fut forcée de mettre un coup de frein rapide, perdant ces précieux mètres au profit de leur survie. Et si elle pesta intérieurement, elle n’avait guère le choix. Leur véhicule ne faisait pas le poids. Et s’il commençait à faire ça, autant dire que de l’aborder s’annonçait être bien trop périlleux. Sauf si elle tentait le diable.

“Ok, accroches toi et prépares toi à avoir la tête en bas !”

Car lorsqu’elle s’approcha de nouveau, et que le fourgon tenta de la plaquer contre le mur, Dreadnought vint à virer brusquement vers le mur, faisant un improbable looping sur le mur grâce à la force centrifuge ! Ainsi, durant un court laps de temps, elle eut la tête en bas, juste au dessus du véhicule, le parfait moment pour que son camarade ne saute.

Car lorsqu’elle arrive de l’autre côté, le tunnel allait être court, trop court. Quelques secondes après, le tunnel prenait fin, montrant que la grille avait été sciemment déposée pour permettre au véhicule de se barrer. Et maintenant, ces types allaient pouvoir se disperser, rendant leur capture pour le moins complexe !

Pratty n’était guère l’as de la cabriole et des spectaculaires retournées acrobatiques qui parvenaient à se soustraire, l’espace d’un instant, aux lois de la physique. Non, Pratty représentait le mur, la charge, le bélier, la chose lourde qui percutait frontallement la cible pour l’envoyer valdinguer au loin. A se demander si elle n’était pas d’ascendant taureau… Enfin, toutes considérations astrologiques mises à part, le moment était tout sauf propice.

Après avoir roulée l’espace de quelques instants sur le plafond et d’être passée de l’autre côté, non sans percuter avec pas mal d’inertie le côté droit du véhicule, elle dû rapidement freiner, partir en arrière afin d’esquiver d’autres rafales. Peut-être avait-elle gagnée quelques points de style dans l’opération, mais surtout l’objectif était atteint : Schwarz était sur le toit du véhicule, et bien qu’il tenait pour le moment difficilement, il était dessus et allait pouvoir gérer le cas de celui-ci.

Et une fois dehors, la chasse allait reprendre. L’endroit, en périphérie de cité, était l’un de ces grands fossé complètement bétonné à l’exception du centre où les eaux de pluie s’accumulaient un peu. Un petit lit en quelque sorte, mais qui n’aurait rien d’infranchissable, surtout à ce genre de vitesse.

Mais maintenant qu’ils étaient dehors, l’avantage numérique de ces types allait pouvoir se mettre en place. Les tirs ne proviendraient pas que d’un seul véhicule, mais de deux avec plusieurs motards, qui, tous armés, ne laissaient pas vraiment d’options faciles au groupe. Heureusement que Schwarz avait des cartes en main, car là, l’écossaise était un peu à court d’atout, devant se défendre comme une tortue entourée de crocodiles. Des reptiles avec des pistolets mitrailleurs et des fusils d’assauts certes, mais l’image était là.

Et alors qu’elle essuyait des tirs qu’elle ne pouvait même plus compter, l’un d’eux vint à faire exploser son pneu avant. Et autant dire que sans ça, le véhicule de l’héroïne devint parfaitement incontrôlable, et elle ne put que pousser un juron avant que l’inévitable chute n’arrive.

“Merde !”

Et patatra. La moto glissa et bascula, envoyant l’héroïne par dessus bord. Elle rebondit plusieurs fois sur le sol de beton, ricochant sur près d’une centaine de mètre, avant d’ultimement finir sa course au milieu de la flotte. Et autant dire qu’à cette vitesse, le choc ne l’avait pas épargnée. Ses bras, ses jambes étaient terriblement écorchée et elle devait avoir un paquet de fracture. Mais à part une sacrée envie de vomir et les idées troubles, ça allait, elle n’avait pas violemment taper par terre. Un coup qui aurait pu lui être fatal, même à une vitesse moindre. Mais elle était sacrément blessée, et cela ajouté à son précédent affrontement, ses jambes faillir lorsqu’elle tenta de se relever.

D’autant que cela ne semblait pas être terminé. L’un des motards, voyant l’occasion parfaite, fit demi-tour. Avait-il une vendetta personnelle contre l’héroïne ? Voulait-il se faire un nom comme celui qui aurait roulé sur Dreadnought ? Ça, elle n’en avait aucune idée, mais ce dont elle était sûre, c’était que ce connard était en train de foncer vers elle plein gaz.

“Putain…”

Sacrée journée quand même.

Son état était… Eh bien, était. Il fallait dire que son corps sanguinolent ne répondait que partiellement. Frotter le béton à cette vitesse était une manière bien douloureuse, comme si elle était passée à la ponceuse. La seule chose qui justifiait qu’elle soit encore vivante et consciente était un réflexe salvateur, de tenter de se mettre en boule pour protéger sa tête. Et puis, qu’est-ce qu’elle risquait ? Que son dos ne soit rapé ? Elle avait déjà prit bien plus ici pour être effrayée de ça.

Mais elle devait avouer que là, elle était à court de solution. Son corps était trop engourdi par la douleur pour trouver une solution ou tenter de continuer l’affrontement. Ses blessures, nombreuses, limitait sa conscience à un état où sa combativité était freinée. Oh si elle le pouvait, elle foutrait une beigne à ce motard qui fonçait dans sa direction, mais elle était déjà incapable de se foutre debout.

Ce serait donc comme ça qu’elle rendrait son dernier souffle ? Fauchée par un motard dans un caniveau ? Elle admettait qu’elle avait envisagée des fins un poil plus glorieuse ou plus explosives, mais au fond, ça collait. Ça collait à la batardise de ce monde, de cette ville. De bonnes personnes crevaient chaque jour et même si elle n’entrait pas dans cette catégorie, elle avait fait de son mieux pour rendre plus calme cet endroit.

Mais l’homme tomba sur le côté, sa moto passant à quelques mètres de l’héroïne qui entendit ensuite une détonation. Un miracle ? Non, son allié qui avait eu le reflexe salvateur de tirer. Dans tous les cas, la demoiselle resta agarre quelques secondes, le regard dans le vide, ayant du mal à se dire qu’elle allait, peut-être, vivre une journée de plus. Et lorsqu’elle le réalisa, elle prit d’un petit rire. Avait-elle eu l’audace de penser qu’elle avait le droit de crever ici ? Non, il en faudrait plus, toujours plus, pour la foutre définitivement par terre.

Enfin, ce n’était pas forcément le meilleur moment pour ça. Une grosse douleur la rattrapa et déchira son rictus, alors qu’un des fourgons arrivait à côté d’elle. Schwarz, qui lui aussi avait dégusté quand même, était au volant. Pour une fois, elle avait été plus un poids mort qu’autre chose, et son état était tout de même préoccupant.

”Ah… Bordel.”

Elle continuerait de pester tant qu’elle serait consciente. Et au moins cela signifiait que le choc ne l’avait pas fait complètement dérailler ou devenir amnésique. Ça aurait été un effet secondaire assez déplaisant vu la situation.

”Ils s’échappent hein ?“

Question bête. Le simple fait de ne plus entendre les moteurs signifiait qu’ils étaient déjà loin, et que donc ils pourraient partiellement s’en tirer. Mais pouvait-on appeler ce résultat un échec ? Une dizaines de criminels étaient soit morts, soit assomés, que ce soit dans l’entrepôt ou ici. Pour une mission qui n’avait en apparence rien à voir, c’était quand même pas mal, mais… Évidemment qu’elle aurait voulu tous les foutres en taule ou au cimetière. C’était son job tout de même.

”J’crois que j’suis bonne pour un nouveau séjour à l’hosto.”

Maintenant que la mission était terminée, même si ce n’était pas sur la note la plus plaisante, il fallait commencer à compter les points. Ils étaient tous deux amochés certes, assez méchamment, mais aucun des deux n’était à plat ventre dans une mare de sang les trippes à l’air. Un moindre mal, même si les deux n’étaient plus forcément en état de poursuivre, même si l’état de l’éccossaise était assurément le plus préoccupant.

Elle souffla un peu, ce qui, au milieu de sa respiration un peu halletante et difficile, passa discrètement. Elle était frustrée du résultat, de la manière dont les choses s’étaient terminés, mais elle ferait avec. Elle n’avait guère le choix de toute façon. Et puis, bien qu’elle n’arrivait pas à se remettre debout, elle n’avait pas fini comme le motard qui avait tenté de l’achever. Pour lui, c’était fini, sans seconde chance.

Schwarz n’attendit pas avant de la planter avec une seringue un peu louche, mais qui eut son petit effet. La douleur, bien piquante sur le coup, vint à s’estomper, quand bien même les alarmes qu’elle pouvait sentir ne mentait pas sur son état. Mais bon, même dans cette situation, alors qu’il commençait à appeler un toubib, elle y allait avec un peu d’égo :

“C’est bon… J’suis pas mourrante hein !”

Elle avait déjà connu pire. Et plusieurs fois. Elle n’était pas étrangère au concept de se faire casser la gueule, même si elle infligeait plus qu’elle ne subissait. Et en s’aidant de ses boucliers en guise de support, elle parvint à se remettre debout quelques instants, avant de vaciller de nouveau.

”Putain…”

Rentrer toute seule et dans cet état était hors de l’équation visiblement. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas, elle finirait par s’effondrer au bout de plusieurs dizaines de mètres. L’important était qu’elle évite d’aggraver ses nombreuses blessures, mais pour ça, il fallait encore qu’elle soit raisonnable, ce qui n’était pas foncièrement facile vu le caractère de l’héroïne, qui grinça les dents face au trait d’humour de son ex professeur.

“Putain, j’étais sûre que j’aurais l’droit à c’te remarque…”

Mais en même temps, il n’avait guère tort. Avoir un peu plus de protection au niveau de ses bras et de ses jambes lui aurait épargné des blessures là. Elle allait devoir réfléchir à prendre une tenue un peu plus blindée, mais cela dépendrait de l’évolution de ses implants et des limitations techniques. Mais l’expérience avait été une douloureuse leçon.

Toutefois, alors qu’elle était toujours genou à terre, son collègue, occupé à la soigner et après avoir pansé les plaies les plus importants, vint à réussir à la soulever au prix d’un effort considérable, ce qui valut une mine particulièrement surprise à l’écossaise, qui, pour la première fois depuis des années, vint à se faire trimballer. Bon, l’effort était difficile hein.

”T’es malade ?!”

Lui aussi était blessé, et après quelques mètres, elle s’arrangea pour qu’il évite de la porter comme ça plus longtemps. Blessée certes, mais elle refusait catégoriquement de devenir une putain de princesse en danger. Même si elle n’irait pas refuser son support pour rejoindre le véhicule et un peu d’aide pour réussir à monter à bord. Jamais la marche n’avait semblé être aussi haute ceci dit, et une fois son derrière vissé à bord, sa tête rencontra avec pas mal de force l’appui tête.

”Bordel… J’sais pas si c’est la morphine qui te permets ça, mais j’crois que t’es la première personne qu’arrive à m’bouger comme ça depuis des années…”

En tout cas, ceux qui avaient essayés avait fini à l’hosto. Certes, ce serait leur destin à tous les deux, mais pas pour cette raison là. D’autant que malgré ses plaies et qu’il devait également lutter contre la douleur. Cependant, elle avait un truc à faire avant de répondre à sa question, via l’activation de certains de ses implants à l’intérieur de son corps.

“Bon, mes implants de garrotage ont l’air de fonctionner. Le seul membre que j’peux encore bouger, c’est mon bras droit. Et pour répondre à ta question…”

Elle lui fit un magnifique doigt d’honneur. Blessée dans son orgueil, ça c’était sûr, elle continuerait de montrer ses griffes et ses crocs.

“Ça m’changera des fois où j’sauve les miches des autres on dira.”

Elle n’irait pas inscrire cette journée avec une pierre blanche, mais la moralité de cette déconvenue était “ça aurait pu être pire”. Ça aurait pu être largement bien pire. Au moins les autorités étaient au courant que des criminels étaient impliqués dans cette affaire, et qu’il ne s’agissait pas d’une mystérieuse disparition de matériel militaire pile au moment où des héros entraient dans la base sécurisé. Au moins devraient-ils être hors de soupçons, même si quelques fortes têtes un brin complotistes iraient sans aucun doute suggérer l’idée que tout ça ne soit organisé. Il fallait juste qu’ils évitent de dire ça en face de l’écossaise qui avait déjà prouvé maintes et maintes fois son sang chaud et son côté caractériel.

Bref, malgré leurs blessures, les deux héros allaient de leurs petites répliques et autres gestes. Si elle avait encore la force de l’envoyer se faire foutre alors ça irait bien, les fonctions vitales étaient encore là. Que serait une écossaise sans ses insultes et ses mots d’amours ?

Mais bon, installée comme elle était, il fallait faire des efforts pour tenir, pour ne pas fermer les yeux. Non pas que cela était intenable hein, mais l’appel était là, dans un coin de sa tête, dans une petite pensée lugubre qu’elle devait distraire, d’autant que si jamais, avec son seul bras valide, peut-être devrait-elle prendre le volant si l’état de son ainé ne lui permettait pas de continuer.

“Crève pas, on a une revanche à prendre.”

Ils avaient gagnés une fois, une bataille, même si cette victoire n’était pas sans dégâts pour eux, mais en aucun cas la guerre n’était terminée. Donc les deux devaient tenir, même s’ils avaient tous bien plus de raisons de garder l’oeil ouvert que ces quelques connards qui avaient réussi leur coup.

Et une fois arrivé à l’endroit pour évacuer le fourgon, ils furent réceptionnés par un contact de Schwarz. Peut-être devrait-elle noter ça, d’avoir des numéros dans les autres villes de Californie et même un peu partout dans le monde… Enfin, le social n’était pas son fort, ses poings parlaient plus pour elle. Et se décharger de là fut un calvaire bien douloureux afin qu’elle traine son corps bien abimé jusqu’à la banquette arrière de la caisse venu les réceptionner. Et maintenant, direction l’hôpital.

“Hey, Schwarz.”

Sa conscience diminuait un peu plus. La perte de sang en était responsable. Peut-être que ses forces partaient également, mais elle pouvait encore parler de manière à peu près intelligible.

“On les aura.”

Elle afficha du bout de ses lèvres un petit sourire défiant. Une pause, une étape, une aire d’autoroute, mais lorsqu’ils reveraient ces sales types, ils dégusteront sévère.

“Mais j’crois qu’on va devoir reporter le verre. Un peu.”

Après tout, picoler avec les infirmières était légèrement mal vu. Mais au moins, à défaut d’avoir de l’alcool dans le sang, elle le vidait par ses blessures. Enfin, peut-être qu’il s’agissait d’une mauvaise stratégie. Elle n’était plus vraiment à ça près ceci dit.