Ce fut sous après deux bonnes heures de routes dont un peu d’embouteillages que l’héroïne écossaise pu enfin descendre de sa voiture. Le trajet, sous un soleil de plomb, n’était déjà pas agréable pour une personne normale, et l’était encore moins pour elle et toute sa mécanique interne. Cependant, elle n’était pas à Sacramento pour faire du tourisme ou du lèche vitrine, elle était là en mission.

La base aérienne de Sacramento. Elle n’avait pas la moindre idée de pourquoi elle était là pour être parfaitement honnête, mais elle savait que les militaires n’étaient pas là pour déconner. Après tout, inviter une écossaise au sein d’un endroit sécurisé était contre les intérêts de la sécurité nationale, quand bien même cela faisait maintenant un paquet d’année que Pratty squattait le sol Californien.

Toutefois, s’il y avait bien une chose qui pouvait faire retrouver son âme d’enfant à la jeune femme, c’était les avions. Et d’en voir un à quelques centaines de mètres, juste derrière quelques clôtures et barbelés était quelque chose de particulièrement stimulant pour elle. Mais comme dit, le travail, quelqu’il soit, était prioritaire sur tout.

Sans plus d’attente, elle connecta à son dos ses implants externes, avant de se ramener à l’intérieur du complexe. Cependant, au sein des marines au crane rasé et des treillis militaires qui pullulaient ici bas, il y avait une personne dont la tête ne lui était pas inconnue…

“Schwarz ? Qu’est-ce que vous foutez là ?”

Un de ses anciens professeur était en train d’attendre dans l’entrée. Pour être une surprise, c’était une surprise. Est-ce qu’un étudiant un peu rebelle avait foutu la merde pour qu’il soit convoqué ? Ça expliquerait la volonté d’anonymat, mais les relations entre la J.U. et les militaires étaient-ils si beaux pour avoir une telle envie de collaborer ? Probablement que non, et bien que les deux avaient la volonté de protéger leurs concitoyens, chacun voulait tirer la couette de la gloire de son côté.

“Question bête… Vous êtes là pour la même affaire que moi, c’est ça ?”

Elle ne pouvait pas en dire plus. Non pas qu’elle ne le voulait pas hein, mais plutôt que les renseignements qui lui avaient été apportés avaient été plutôt pauvres en détail, si ce n’était l’urgence de la situation. Et probablement que de balancer un duo était plus sûr que d’avoir un glandu en costume moulant sur le tarmac d’une base aérienne. Et lorsqu’elle réalisa que ça devait probablement être le cas de son ancien professeur, elle se prit d’un vague souffle amusé pour reprendre.

”Ouais, pas mieux. Vous en savez pas plus que moi si ce n’est qu’on vous a demandé de vous pointer ici assez urgemment.”

Autrement, il ne serait pas en train d’attendre comme un con. Ou alors elle se trompait complètement et il était là pour une toute autre affaire et elle se fourvoyait assez méchamment.

“Bref… Si c’est l’cas, on va bosser ensemble, ça va être une première. On peut s’tutoyer d’ailleurs, histoire qu’on évite d’s’affranchir du ex-prof/ex-élève ?”

Tomber au hasard sur un ancien professeur au détour d’une rue ou d’un rayon de supermarché était une chose. A ce moment là, un peu de papotage était de rigueur, prendre quelques nouvelles, se souhaiter bonne continuation, le genre d’aléa qui servait de petite anecdote pour le week-end, sans pour autant que la face du monde ne soit changée. C’était une chose, mais apprendre qu’on allait bosser avec un de ses anciens mentor sur une affaire sérieuse, là c’en était une autre. Enfin, la différence d’âge entre Dreadnought et son ex-professeur n’était pas non plus critique et dans le milieu tout de même assez restreint de l’héroïsme, tout le monde finissait par se connaître.

Dans l’ensemble, elle prenait ça plutôt bien. Tomber avec un parfait inconnu avait une sacrée probabilité pour qu’elle en sorte déçue ou avec l’envie de fracasser le crâne de son collègue. Là, c’était un peu différent, étant donné qu’elle avait déjà pu échanger avec lui, qu’elle avait quelques idées sur la manière dont il réagissait et sur sa personne dans l’ensemble. Avancer en terrain connu n’était pas désagréable, même si, en contrepartie, la mission était aussi floue que la vision d’un presbyte.

“Nan, pas d’infos. Et ouais, j’pense la même chose. La grande muette a toujours ses p’tites affaires, et on va surement trainer dans l’une d’elle.”

Au moins savait-elle que cette affaire n’était pas foncièrement la plus rejouissante. Peut-être que d’autres avaient refusé en prétextant d’autres affaires urgentes à traiter ou une indisponibilité temporaire. Après tout, s’il fallait que cette histoire reste discrète, c’était contreproductif pour un héros plus “classique” qui recherchait la notoriété. Enfin, l’écossaise avait d’autres chats à fouetter, notamment son ex enseignant qui commençait à reprendre ses termes.

“Ouais, mais plus le mien.”

Et c’était surement ça le plus important, quand bien même elle ne pouvait nier le second point. Malgré son âge qui approchait de la trentaine, elle n’avait pas tant d’expérience que ça face à certains qui avaient commencé leur carrière plus tôt. Cependant, aussi désordonné et chaotique son parcours pouvait-être, elle était tout de même fière d’en être là malgré les difficultés qu’elle avait traversée. Cependant, pas le temps de se complaire trop de temps dans ces retrouvailles, car un colonel vint à arriver à proximité d’eux, leur ordonnant, sans se présenter ou même dire bonjour, de le suivre. Mais avant ça, elle glissa un dernier mot à son collègue du jour :

“On verra c’que vous penserez ce soir lorsqu’on sera tous deux devant une bière, mais pas avant.”

Elle affiche un léger sourire en coin, avant de reprendre en un instant son air sérieux et de montrer son permis, bien que celui-ci était quelque peu superflus face au style unique de l’héroïne. Mais bref, trève de bavardage, car sitôt installé, le colonel commença ses explications.

”Je me présente rapidement. Colonel Evans. Si vous êtes tous les deux ici, c’est sous mon initiative, mais elle ne fait pas l’unanimité. Le NCIS est pas particulièrement enthousiaste à l’idée de vous voir trainer dans ce qu’ils considèrent comme étant leur affaire, donc va falloir que vous fassiez ça propre et vite avant qu’ils ne passent les bons coups de fil pour vous écarter de l’enquête.”

Super, à peine arrivée que déjà ils avaient le luxe de plonger dans les méandres des conflits d’organisations américaines… A croire qu’ils n’avaient rien de mieux à foutre que de se tirer dans les basques à longueur de journée. Cependant, un détail intrigua la demoiselle, qui demanda alors :

“Qu’est-ce que vient foutre le NCIS ici ? C’est pas une base de la Navy.”

“Non, mais le type qui a disparu en était un.” Il appuya rapidement sur un bouton de sa tablette, affichant alors le portrait et de nombreuses information sur un militaire. “Andrew Joseffson, pilote de la Navy, spécialiste des projets expérimentaux. Il a disparu hier avec son appareil et le problème, c’est que personne n’a vu son engin sortir du hangar.”

Donc à la petite gueguerre entre factions se rajoutait une mystérieuse disparition associée à de l’armement expérimental et de haute technologie. Avec la malchance qu’elle pouvait avoir, on lui annoncerait d’ici deux minutes qu’il avait deux missiles nucléaires accroché et qu’ils deviaent réussir sinon l’état d’urgence national serait déclaré. Une journée un peu plus mouvementée que les autres en quelque sorte, mais qui n’effrayait pas plus que ça la demoiselle. Elle avait l’habitude des rodéos maintenant.

Donc… Un avion avait disparu sans laisser la moindre trace. Qu’un militaire vienne à s’évanouir dans la nature avec des données sensibles, ça arrivait parfois, et bien souvent, après une enquête des autorités compétentes, une explication plus ou moins logique était avancée. Ça, c’était la théorie, les cas habituels. Les disparitions d’avions aussi pouvaient se produire, mais au sol, sans que personne ne remarque quoi que ce soit… Là on était sur quelque chose d’inédit.

il y avait quelques trous sur le briefing succinct du colonel. Déjà, quel était l’avion qu’ils venaient chercher ? Elle pouvait comprendre qu’il s’agissait de quelque chose d’expérimental, de secret, mais sans la moindre piste, elle allait devoir trouver par elle-même ce qui sortirait de l’ordinaire. Une chance donc qu’elle soit assez éclairée dans le milieu. Peut-être était-ce pour là qu’elle était là ? Qui sait…

Bref, sans attendre, les deux héros furent amenés jusqu’au hangar. Évidemment l’endroit était sécurisé, et une alerte visuelle bien pétante signalait l’ouverture des portes côté piste. Autrement dit, si l’avion avait décollé, la moitié de la base au minimum était dans le coup. Donc improbable. Cependant, arriver dans un hangar complètement vide était quelque peu décevant. A première vue, pas d’indices, pas d’infos, rien, si ce n’était l’absence complète d’autres avions. Et après avoir obtenu la permission de faire de cet endroit leur terrain de jeu, Schwarz lui rappela rapidement les consignes.

“Évidemment.”

Répondit-elle alors qu’elle commençait ses premiers pas dans le hangar. Si l’endroit était vide de matériel, quelques individus, surement des enquêteurs, étaient en train de faire leur travail, rompant avec le silence de mort que l’endroit devrait être autrement.

“Pas un seul avion autrement… Ça doit être un hangar spécial, pour des projets qui doivent l’être tout autant. Et on entre pas ici comme dans un moulin lorsque les portes sont fermées. On peut déjà mettre sur la liste des suspects tous les types qui ont accès à cet endroit. Y’a surement un serveur qui gère les accès, on devrait même avoir les infos sur qui a badgé et quand il l’a fait.”

Elle dévisagea un peu les alentours, notamment les murs et les recoins, et cela ne la fit que grincer un peu plus des dents :

“Les caméras semblent être un peu vieillottes, loin des modèles qu’ils ont dans l’entrée. J’suis prête à parier qu’elles sont factices.”

Après tout, si la technologie était secrète, probablement cherchaient-ils à se protéger, et d’avoir des enregistrements de la maintenance de l’engin ne devait pas être forcément désiré. Mais c’était là une solution de moins dans cette enquête.

“Ça manque de pièces de rechanges d’ailleurs. Probablement que c’était pas sa base principale, et qu’il était stocké là avant de partir… Mais où ?”

D’autant que Sacramento n’était pas l’endroit le plus intéressant stratégiquement. A moins que le but ne soit de balancer une bombe sale dans la baie, mais c’était hautement improbable. Au moins, peut-être que la proximité de la mer donnait une raison à pourquoi un Navy était assigné à cet avion fantôme, mais… Disons qu’il allait falloir un peu plus d’informations, et probablement faudrait-il discuter avec leurs rivaux, les types du NCIS.

Cette première visite révélait pour le moment plus de questions que de réponse, et probablement que les choses n’iraient pas en s’arrangeant. C’était même à se demander s’ils souhaitaient vraiment que leur appareil soit retrouvé. Probablement que les conflits entre les organisations, les guéguerres de bureaux et les rivalités internes avaient plus de poids ici que la sécurité nationnale. C’était pathétique par moment…

Cependant, son collègue vint à la reprendre, un peu à sa surprise quand même. Du calme ? Peut-être pensait-il qu’elle souhaitait déjà tenter le hasard et désigner une direction où il faudrait concentrer tous les efforts pour retrouver l’appareil. Elle était une héroïne, pas une mentaliste ou elle ne savait quel devin. Elle n’avait pas une super intuition ou des prémonitions un peu zarb pour faire le travail à sa place.

Elle n’eut toutefois pas le temps de répliquer que Schwarz demanda à avoir un accès aux caméras. Évidemment, en ces lieux, c’était assez complexe, la grande muette souhaitant conserver nombre de ses secrets et de ses tabous. Mais tout le monde ici s’en foutait de savoir que le colonel Evans se tapait sa ou son secrétaire ! Il y avait des problèmes un tantinet plus importants que les habituels secrets que l’uniforme conservait. Enfin bref, après ça, son ex professeur la complimenta un peu sur ses analyses, quand bien même avait une autre idée sur la question des caméras.

“Possible pour les caméras, mais si c’est le cas, je sais pas si on en tirera grand chose vu la vétusté du modèle. Mais tu m’as coupé dans mon élan. J’faisais que commencer à inspecter l’endroit.”

Elle se doutait que l’endroit avait encore des informations à offrir, qu’il faudrait ensuite recroiser certes, analyser pour comprendre ce qui c’était passé en ces lieux, mais son ancien enseignant il alla de son petit commentaire sur sa tenue, visiblement un poil légère à ses yeux.

“Ça c’est un coup bas.”

Elle roula rapidement des yeux. De son côté, elle aurait préféré une tenue intégrale, blindée même, mais tout n’allait pas de son choix, et certaines contraintes étaient un peu plus importantes que ses goûts vestimentaires.

“J’ai pas le choix. Je branche mes implants externes à même mon dos pour info. Et c’est mieux pour évacuer la chaleur de ce que me balance ma mécano. A moins qu’elle prenne son pied à me mater… Enfin, ça a ses avantages, et son gros paquet de défaut.”

Elle n’allait pas commencer à les citer, sinon elle en aurait pour des heures, et ce genre de discussion plus informelle attendrait un verre pour qu’elle vienne se plaindre. Si le colonel attendait plus loin que les deux aient fini leurs messes basses, il y eu également autre chose qui attira l’oeil de Dreadnought.

“Schwarz, regarde le sol.”

Elle désigna un endroit au centre de la pièce. Là, au sol, des traces noirâtre ressortaient un peu au niveau de la lumière. Deux traces de plusieurs mètres, dans le même axe, séparées.

“Ça a l’air récent… On dirait de la gomme, comme si ça venait des pneumatiques de l’avion. Mais vu l’axe, les pneus ont dû frotter sur le sol au lieu de rouler, comme si l’avait pousser sur le côté !”

Cependant, après inspection de la deuxième trace, quelque chose contrariait la demoiselle.

“Bizarre, l’autre est dans le même axe, mais pas dans le même sens. Regarde, elles sont un peu plus marquées sur les extrémités qu’au centre.”

Et là, elle n’avait pas la moindre idée de ce que cela voulait dire.

“Pour le moment, je saurais pas dire pourquoi. Mais c’que je peux te dire en revanche, c’est que l’écart entre les deux traces est trop gros pour être un chasseur…”

Elle se mordit un peu la lèvre, avant de souffler. Des infos encore une fois, mais grand chose de concret.

“Bon, va falloir qu’on se penche dessus après. J’te suis pour les caméras.”

Woh, en l’espace de quelques phrases, il semblait que Dreadnought allait se faire paterner par son ancien professeur. Certes, cette histoire de potentiel reluquage de l’héroïne pouvait tout de même être l’objet d’une petite discussion, mais ce n’était là que quelques brasses de l’océan de sa vie. Et puis, quitte à choisir, elle préférait se faire reluquer par une personne de confiance à qui elle devait beaucoup que par tout les obsédés sexuels de Californie dont certains étaient tellement investit au point qu’il existait des versions plutôt douteuse de sa personne.

Oui, ce genre de truc lui avait été mit à l’oreille. Par sa mécano. A se demander comment elle était tombée sur ça à la base…

Mais bref, les caméras. C’était pour le moment la meilleure piste que le duo avait afin de comprendre ce qu’il s’était passé en ces lieux. Elle pouvait, actuellement, échafauder quelques théories mais toutes plus farfelues les unes que les autres. Donc faute de plus d’éléments, elle préférait se concentrer sur l’essentiel, et emboita le pas de son collègue sans plus de mots ou de manières.

Et une fois sur place… Eh bien, elle venait de trouver le QG du plus grand voyeur de la base. Vu le nombre d’écrans et de caméras, s’était à se demander pourquoi le criminel n’était pas déjà derrière les barreaux. Le coup avait été méticuleusement orchestré, ou bien celui en charge de la sécurité était également dans l’affaire… En tout cas, le colonel Evans n’était pas très optimiste, et probablement qu’il s’attendait à ce que les deux héros ne fassent guère mieux : chou blanc.

Mais sitôt que le gradé s’éclipsa, probablement pour éviter de devoir se mater les mêmes images en boucle comme il avait surement déjà dû le faire, Schwarz sortit son cendrier et ses intentions quant à ce qu’il comptait faire dans cette salle.

“Euh, ouais ?”

Répondit-elle au premier abord, un peu confuse quant à pourquoi son ex professeur changeait complètement d’approche. Leurs options n’étaient pas forcément épuisées, après tout, probablement que le NCIS avait quelques infos à leur fournir, mais s’il souhaitait gagner du temps car son instinct privilégiait une piste, ça, elle pouvait comprendre. Et puis, ils n’auraient peut-être pas deux fois l’occasion d’empiéter ici.

“C’est l’moment où tu fais des cachoteries, c’est ça ?”

Elle haussa un peu les épaules. Elle n’était pas non plus très à cheval sur le règlement, en témoignait les dégâts collatéraux et les hopitaux où s’entassaient les criminels qui croisaient sa route.

“Et un prix, vraiment ? Pas b’soin de ça… Mais si t’y tiens, t’aura qu’à payer l’addition lorsqu’on fêtera ça.”

Cependant, elle ne préférait pas avancer plus de frais. Un bon whisky pouvait monter assez vite et, avec sa carrure, elle pouvait avoir une bonne descente. Et elle y tenait tout de même, ce n’était pas tous les jours qu’elle bossait avec un ancien professeur à elle. Mais bref, elle se positionna contre la porte, écoutant attentivement les allés et les venues en approche, tout en répondant à sa seconde question.

“Pour le hangar, on est coincés sur le fait qu’ils devaient faire sortir l’appareil, et là, j’vois pas trop de possibilités. Le rendre invisible, le téléporter peut-être, passer sous-terre… Mais y’en a pas mal qui nécessitent que les portes soient ouvertes. Puis les traces sur le sol, c’est comme si l’avion s’était compressé. S’il avait été broyé, ça se serait entendu quand même, mais là…”

Encore une fois, c’était un peu difficile avec si peu d’éléments, mais quitte à tenter, autant avancer au moins une théorie qui concilliait ça.

“Le moins incohérent… J’dirais que ça serait un alter qui permettrait de réduire la taille des objets. Les pneus ont frottés par terre vers l’intérieur, et une fois assez petit pour passer par la porte de derrière, ils auraient pu se barrer discrétos. Me semble qu’on a un connard qu’a ce genre de pouvoir dans nos dossiers. Un cambrioleur qui cherche des défis… Il pourrait être lié à c’t’affaire, mais clairement pas tout seul.”

C’était pour le moment le mieux qu’elle pouvait fait, même si ça incluait tout de même un suspect déjà. Mais pour pouvoir réduire un avion à cette taille, il fallait qu’il y mette toute sa concentration, et ce genre de truc ne se faisait pas en quelques instants. Elle regarda tout de même les écrans, essayant de voir ce qu’il en retournait, mais de son côté, la pêche était maigre.

“Rien pour le moment. L’obscurité aide pas… Mais si tu devais amener un type ultra recherché au sein d’une base militaire, tu ferais comment ?”

Si en se levant ce matin, l’héroïne pensait qu’elle se serait retrouvée en train de marchander quelques verres avec un ancien professeur au beau milieu d’une opération à la légalité douteuse, probablement qu’elle n’en aurait crû pas la moindre miette. Le destin pouvait être farceur malheureusement, et aujourd’hui en était le parfait exemple. Cependant, elle n’était guère tiraillée par le stress ou inquiétée par les conséquences potentiels de leurs actes. A vrai dire, malgré tout ça, un léger sourire en coin tronqua son visage alors qu’elle répondit à son aîné :

”Boarf, rien que ton salaire de prof pourra pas payer. Puis m’prends pas une soularde hein ! J’aime bien les bon verres, mais j’ai pas des goûts d’luxe.”

Une précision importante. Après tout, elle n’irait pas jusqu’à l’excès au point d’endetter son acolyte du jour. Et puis, au préalable, il fallait déjà réussir cette mission, et malheureusement, à part quelques suppositions, des déductions un poil hasardeuses et du temps perdu, pour le moment, c’était complexe. Mais les petites méthodes de Schwarz permirent d’arriver à une sorte d’accès, une méthode qui pourrait expliquer comment un criminel aurait pu s’introduire ici avec un peu d’aide. Toutefois… Est-ce que cela n’était pas trop facile ?

”Tu penses que ce s’rait trop beau, hum ?”

Après tout, le colonel mettait du temps à revenir… Pour un endroit qui était sensé être ultra protégé, c’était quand même assez douteux, d’autant que bien qu’héroïne, elle était tout de même d’un autre continent à la base, et le constat n’était guère mieux pour son ex professeur. Autrement dit, c’était pour le moins bizarre.

”Y’a un truc pas net, ça c’est clair. Et si on a peut-être deux trois trucs de bon, mais on doit s’planter.”

C’était un peu saoulant de ne pas avoir une réponse aussi facile que pouvait être un poing dans la gueule. Toutefois, cela faisait aussi parti de son travail, et se chauffer les méninges en faisait partie.

”Bon, qu’on fasse le point… On a un type de la Navy qu’était là avec un avion expérimental assez secret. Y’a peut-être moyen qu’il attendait un créneau pour se poser sur un porte avion qui passerait pas trop trop loin… Mais ils passent pas trop au large de la Californie. Le plus probable ce s’rait une escalle préalable à Hawaï pour agir dans le Pacifique.”

C’était loin certes, mais avec un sacré appareil, cela pouvait se faire. Même un F-16 avait de quoi faire le trajet.

“Sauf qu’on nous balance que le type et son avion ont disparu. Et les seuls indices qu’on a c’est des traces sur le sol de l’avion qui sont bizarres… Surtout qu’il y avait pas le moindre matos dans l’entrepôt.”

Un soupir la quitta, alors que sa tête bascula en arrière avec un vague sentiment de confusion.

“Limite, j’me demande si c’t’avion existe et que tout ça est pas juste un panneau pour cacher un autre truc…”

Si elle avait eu des missions plus chiantes ? Oui, ça arrivait parfois, mais bien souvent, il finissait par avoir le fin mot de l’histoire à faire de distribuer des mandales. Certains pouvaient être bien têtus, connaissant leurs droits, mais lorsque l’héroïne qu’ils avaient face à eux ne jouait pas au même jeu, leurs certitudes étaient brisées. Et là, elle n’avait guère le luxe d’utiliser de telles méthodes, au risque de se retrouver avec la moitié de la base braquant leurs armes dans sa direction. et autant dire qu’elle avait d’autres plans que de finir sa soirée en cellule.

“Bon, admettons qu’on voulait faire disparaître cet avion… Qu’ils foutent le NCIS dans le coup, bon, à la limite hein, ça fait crédible. Mais pourquoi nous ramener ici ? J’veux dire… On a ni corps ni traces, et c’est juste sur une supposition un peu éclairée qu’on nous ramène ici pour pas nous aider. Limite, s’ils pouvaient nous enfermer dans un coin, ils le feraient.”

Elle ravala sa salive, machinalement. Tout ceci ne lui plaisait guère, mais bon, elle n’avait pas le pouvoir de foutre en taule tous les types qui ne lui plaisait pas. Enfin, des fois elle aimerait, mais ce serait abuser de son autorité, et elle n’était pas foncièrement exemplaire dans le domaine vu sa tendance à privilégier la manière forte.

“On veut qu’on soit là. Mais pas pour aider. Pas pour qu’on fasse notre boulot, mais juste qu’on soit là. Et pourquoi ça… Eh bien, peut-être qu’on sert de diversion ? Genre le fait qu’il y ait deux héros dans la base ça fout suffisamment le bordel dans la hiéarchie pour que la vigilance se trompe. J’veux dire, pendant qu’on est là, y’a personne d’autre que nous qui surveille les caméras, et vu qu’on est concentrés sur ce qui se passait durant la nuit…”

SI elle balançait un peu ce qu’elle pensait à voix haute, cette dernière tirade la lança un peu plus, et après quelques secondes de silence, elle regarda un peu incrédule son acolyte.

“Merde, et si c’était ça ? A l’heure actuelle, ils doivent être en train de ranger tous les docs un peu sensible qui trainent car on était pas prévu à l’avance, c’qui fait que ça laisserait le champ libre pour faire un sale coup !”

Peut-être que c’était une autre théorie, mais elle se rapprocha de nouveau de l’écran, prenant le contrôle des caméras du hangar où ils étaient tantôt. Et l’endroit était complètement vide. Rien, ça elle pouvait s’y attendre, mais surtout, personne.

“Les types du NCIS se sont barrés ?! Merde !”

Il était en fait possible que rien de ce qui avait été annoncé jusqu’à aujourd’hui ne soit vrai.

“Faut qu’on trouve où ils se sont barrés ! J’ai p’tête pas preuve, mais j’ai de bonnes raisons de penser qu’ils mouillent dans c’t’affaire !”

Il était difficile de nier que l’écossaise pouvait être impulsive. Lorsqu’elle avait une idée en tête, elle s’enfonçait généralement dedans quitte à laisser dans son sillage une sacrée tornade. Elle n’était guère subtile, et certains diraient que cela faisait parti de son charme, mais elle n’avait cure des critiques. L’important, c’était que le travail soit fait, et rien de bon ne se produirait en laissant son cul vissé sur une chaise à attendre que les criminels se barrent.

“Justement, c’est pas en trainant ici qu’on les choppera ! Et si c’est pas eux, ils sont surement pas loin.”

Que cela ne plaise ou non, elle comptait y aller. Elle enfoncerait toutes les portes si c’était nécessaire, elle écraserait les murs de sa semelle et dégagerait d’un coup d’épaule ceux qui s’interposeraient entre elle et sa proie. Et ce alors que son ex professeur suggérait de les prendre sur la main dans le sac. Mais on parlait pas d’un sac de luxe ou d’un porte monnaie, mais potentiellement d’un avion de chasse à la technologie secrète et à l’armement suffisant pour vitrifier le Benelux. Bon peut-être pas à ce point là, mais le moindre missile devait valoir une fortune.

Et heureusement, personne ne s’était encore tiré de la base. En fait, ces types étaient devenus complètement invisible sitôt qu’ils avaient pu se barrer du hangar. Donc soit ils avaient tous le moyen de se camoufler au nez et à la barbe de tous, soit ils connaissaient le parfait chemin pour éviter d’être reperés, surtout dans le petit chaos que provoquait l’arrivée surprise des héros et les recherches de cet avion fantôme.

“Alors allons-y !”

Sans plus attendre, elle lui emboita le pas. Elle n’était peut-être pas la plus rapide, surtout dans les virages à angle-droit qui étaient beaucoup trop légion dans c’te coin de la base, mais pendant qu’elle le suivait, elle exposait quelques points qui étaient pour le moins… Louche.

“D’autant que ces types étaient quand même beaucoup à trainer dans un hangar complètement vide, sans avoir foutu le moindre balisage. J’suis pas une experte, mais les traces, ils auraient dû les voir et les marquer !”

Et à ça pouvait se rajouter le fait qu’ils n’avaient pas été voir, comme le ferait de véritables cow-boy, les héros pour préciser qui étaient les véritables patrons et à qui revenait cette affaire. Et ça, c’était contraire aux habitudes des organisations qui cherchaient toujours à montrer qui avait la plus grosse… Et malheureusement, Dreadnought était dans l’équation.

Toutefois, un premier obstacle se démarqua sous la forme d’une porte. Et pas le genre de truc qui se trouvait à prix cassé dans les magasins de contreplaqué, non… C’était une lourde porte blindée, précédemment ouverte lorsqu’ils s’étaient pointés pour voir les caméras. A croire que l’on ne souhaitait pas qu’ils sortent.

“Merde !”

Elle tenta tout de même un coup d’épaule, se faisant plus mal dans l’opération qu’elle ne fit trembler la porte. Autant dire que c’était un cul de sac sans une puissance de feu adaptée. Mais pouvaient-ils vraiment perdre le temps de trainer dans les couloirs jusqu’à trouver un autre accès ? Les autres devaient être dans le même état…

“Bon, fais comme si tu regardais ailleurs.”

Annonçant ça, elle attrapa le capteur à proximité, un lecteur de carte, avant de l’arracher et de le balancer en arrière avec une violence presque trop facile. Elle attrapa ensuite les fils électriques qui dépassaient, avant de se les planter sans la moindre hésitation dans l’avant bras. Et si elle serra les dents en retenant un juron lors de l’opération, en à peine quelques secondes, la porte se déverrouilla, laissant libre accès au deux héros.

“Voilà, c’est ouvert !”

Avait-il un problème avec les insultes et le langage fleuri que pouvait utiliser l’écossaise ? Si c’était le cas, ses oreilles quelque peu sensibles risqueraient d’être blessées, voir agonisante face au débit que pouvait envoyer Dreadnought dans ses grands jours. Pour moment, elle était soft, particulièrement douce par rapport à la moyenne de ses interventions, mais c’était notamment dû au fait qu’aucun sale type ne s’était présenté face à eux. Et là, étant donné qu’ils allaient face au danger…

Bref, une fois face à l’entrepôt, le temps n’était plus aux blagues ni au papotage. s’ils voulaient une bière après tout ça, ils allaient devoir la mériter. Cependant, ils n’étaient pas là face à une bande de gamins qui se prenaient à un jeu trop grand pour eux, c’était des criminels prêt à s’attaquer à une base militaire pour obtenir des armes. Et qui obtiendrait une telle puissance de feu pourrait asseoir sa domination sur San Francisco. Après, un avion serait peut-être un peu superflu, mais un missile avait toujours son petit effet.

“Ok, reste pas loin.”

Elle déploya ainsi ses canons. Le bruit des mécanismes s’activant était suffisant pour indiquer à ceux qui tenderaient l’oreille que l’héroïne était dans la place, même si les rats qui infestaient l’entrepôt étaient au courant que les chats avaient temporairement élu domicile dans le secteur, et que ce n’était qu’une question de temps avant que la chasse ne commence.

Toutefois, elle remarqua rapidement une caisse mal fermée. D’ordinaire, tout ce qui était entreposé ici était scellé, afin d’éviter que quelques cargaisons ne tombent du camion… Etait-ce sa curiosité qui la mena à jeter un coup d’oeil, ou bien ne faisait-elle que sa mission d’investigation. Néanmoins, la vue d’un cadavre à l’intérieur la ravisa bien vite.

“Merde !”

Un militaire, mort par balle et ce, depuis peu. Ces types n’étaient pas là pour simplement voler un peu de matos, c’était là un véritable braquage qui avait déjà mal tourné !

“Schwarz, attends, homme à terre.”

Mais à regarder de plus près… Ce visage ne lui était pas complètement inconnu. C’était un peu difficile, l’endroit était plongé dans l’obscurité, mais… Elle venait de mettre le doigt dessus.

“C’est le colonel Evans. Il a dû se faire doubler sur la fin.”

Cependant, cela signifiait que ces criminels étaient prêt à tuer pour arriver à leurs fins. Qu’à cela ne tienne, l’héroïne n’irait pas leur faire de cadeau. Leur survie était une option, préférable certes, pour qu’ils puissent avoir la condamnation qui leur était due, mais pas obligatoire. C’était comme ça qu’elle voyait les choses, et elle appliquerait ce même dogme aujourd’hui. Restait à agir maintenant.

“Ils savent qu’on est là, donc soit ils se tirent en vitesse avec ce qu’ils ont pu chopper, soit ils tentent de abattre pour en prendre plus. Et vu c’qu’ils peuvent se faire et jusqu’où ils sont prêt à aller, on est rien que des cibles pour eux.”

Elle souffla un peu. D’autres gens qui défiaient l’autorité. Elle allait donc devoir faire preuve de pédagogie pour leur inculquer le respect.

“J’te laisse filer et les prendre à revers ou un par un. J’m’occupe de prendre leur attention et de transformer c’t’entrepôt en un octogone.”

Ce faisant, elle récupéra la carte du colonel qui, de toute façon, n’en aurait plus besoin, avant de s’approcher du poste de contrôle et de provoquer la fermeture d’urgence de l’endroit dans une alarme assez bruyante. Maintenant que tous les participants étaient dans l’arêne et que les portes étaient fermés, il ne restaient plus qu’à jouer.

“Hey les couilles molles ! Vous êtes enfermés ici avec nous et on tirera sans sommation ! Vous avez maintenant le choix entre les oranges en prison ou les fleurs sur votre tombe. Ce sera mon seul avertissement.”

Face à son dialogue, une déflagration, une balle venait de s’écraser dans le mur à une dizaine de centimètre seulement de sa tête, sans qu’elle ne bronche pour autant.

”Ok, j’vais tous vous buter.

La guerre était déclarée, aussi sanglante serait-elle. Il y aurait son lot de héros, de fabuleuses histoires, d’acters héroïques et désespérés, de courage et de valeur, mais aussi et surtout ses inombrables barbaries, ces actes de cruauté, et traitrise, de guerre et de violence. Et l’héroïne était une machine de guerre dans ce genre situation, un blindé en action, avançant lentement mais implacablement, roulant sur les barbelés, les tranchés et les cadavres de ses adversaires. Tant pis si les murs de cet endroit serait retapissés de sang à la fin de cet affrontement. S’il fallait imposer l’ordre de cette manière, ce serait avec plaisir qu’elle en serait le bras armé.

Ses canons déployés, des boucliers placés en opposition, elle n’avait même pas eu le temps de voir Schwarz partir que le concerné avait déjà fait front à part. Il était de toute façon bien plus mobile que l’écossaise, qui avait fait le choix d’être à la fois la cible et le mur des criminels.

Avançant dans l’allée centrale, plusieurs tirs partirent dans sa direction, sans pour autant la blesser. Aller, au mieux un ricochet contre son tibia, qui la fit juste grincer des dents. Le reste s’écrasait contre ses boucliers ou ses canons, ou tout simplement la manquèrent. Et si l’obscurité n’était pas l’alliée de l’héroïne, les déflagrations qui accompagnaient chaque coup de feu tiré à son encontre étaient les cibles à abattre, et ses canons répondirent à chaque fois qu’ils purent, ripostant avec quelques touches non létales certes, mais qui donnaient le ton.

“Je briserai vos os.”

Elle accompagnait cette marche vers le front de ses classiques menaces qui, soit dit en passant, n’étaient pas forcément à prendre à la légère. Elle était connue pour ses accès de violence et son impulsivité au moment du conflit avait déjà dépassé à plus d’une reprise le raisonnable

“J’arracherai vos oreilles et j’vous les ferrais bouffer.”

Toutefois, au milieu de l’allé, un des criminels osa lui faire face, sortant de son abris. Sa peau était étrangement grise, un peu étrange vu la situation, mais elle comprit rapidement car, sous ses yeux, l’homme doubla de taille pour devenir une sorte de rhinocéros anthropomorphique, avec les muscles qui allaient avec.

Mais il en fallait plus pour impressionner Pratty.

“J’te laisse trois secondes pour deviner où ta corne va finir.”
“Dans ton coeur pouffiasse.”
“Mauvaise réponse.”

Toutefois, aussi mauvais perdant qu’il pouvait être, il chargea, fonçant en direction de l’écossaise pour la bousculer avec une force certaine. Et si beaucoup de héros auraient été balayés, elle ne s’écarta pas, ancrant ses appuis et, de toute sa masse, encaissa la charge frontale et stupide de son opposant. Ses talons frottèrent le sol sur une trentaine de mètres, la ramenant presque à la porte dans une gerbe d’étincelles. Elle était un peu sonnée quand même, ses bras groggy tant elle avait forcée pour stopper son opposant, mais elle l’avait arrêté.

Cependant, pendant qu’elle était au prise avec le mammifère format XXL, les autres avaient l’occasion de se réorganiser, en espérant que Schwarz ne soit pas la cible de leurs prochaines attaques.

Frotter le sol sur près d’une vingtaine de mètres n’était pas une chose agréable. Au moins, elle trouvait là un avantage au fait de porter de tels talons. Avec des chaussures “normales”, la semelle aurait complètement explosé, tandis qu’avec ce qu’elle portait là et les parties métaliques qui soutenait son pied, elle avait pu ralentir suffisamment pour éviter d’être complètement applatie contre la porte de l’entrepôt, même si la glissade n’avait pas été une partie de plaisir.

Le problème, et non des moindres, c’était qu’elle avait toujours un gros truc sur les bras. Une saloperie de mutant qu’elle allait devoir mater avec ses phalanges. Fort heureusement, lui aussi se retrouvait dans la même situation, ayant l’habitude d’envoyer bouler ses opposants en une seule charge. Restait à savoir lequel des deux poids lourds serait celui qui serait debout à la fin de cette confrontation.

Attrapant de sa main gauche la corne du rhinocéros, elle le força à regarder ailleurs en même temps que de son autre main, en lui collait une droite particulièrement méchante, du moins en théorie, car le cuir bestial et trop épais était une armure naturelle probablement à l’épreuve des balles. Si elle voulait calmer la bête, elle allait avoir besoin d’un plus gros calibre.

C’était dans ce genre de moment qu’elle regrettait de ne pas avoir des munitions plus létales. Certes, les instances héroïques souhaitaient minimiser les tués lors des interventions, afin qu’ils puissent avoir un procès et non échapper à la justice dans la facilité, mais dans ce genre de moment où ses cibles pouvaient encaisser sans broncher des tirs de pistolet, il lui fallait une option.

Prenant appuis sur son dos alors qu’elle venait d’esquiver de justesse un coup de poing qui s’encastra dans la porte, elle repoussa de ses deux jambes son opposants de quelques mètres, gagnant un sursis certes, mais trop petit malheureusement.

“Alors, c’est tout c’que t’as ?!”
“T’as une grande gueule pour quelqu’un qui va finir en morceau.”
“Avec quoi ? T’as une force de femmelette !”

Elle ne pouvait pas nier que ses poings, même renforcés, n’auraient pas l’effet escompté. Cependant, elle était dans un entrepôt militaire, et s’il y avait un endroit où elle pourrait tomber sur du matos, c’était bien ici. D’un coup d’oeil rapide, elle observa plusieurs caisses à proximité. Il y avait les bêtises habituelles, des stocks de PQ à plus savoir quoi faire, mais il y avait de l’armement, et du lourd.

Après avoir jouée au toréador avec plus au moins de succès, quelques blessures et coupures s’accumulant aux grès des ruades, elle trouva enfin de quoi s’amuser, et brisa la boîte pour en sortir un lance roquette, rien que ça.

“Ça devrait suffir nan ?”
“T’es encore plus débile que j’pensais. Il est pas chargé grognasse!”
“Tss.”

Répondit-elle. Ouais, elle avait été un peu trop optimiste en pensant que les munitions étaient livrées avec, et directement à l’intérieur. Toutefois, elle avait d’autres cordes à son arc, et profitant de l’hilarité partielle du criminel, elle lui assena un grand coup dans la gueule de toute sa force avec le tube de métal !

“Ça c’est pour le poufiasse.”

Sans attendre, elle lui remit un autre coup, droit dans la machoîre.

“Ça pour le femmelette.”

Et pour achever la bête, un grand coup dans les valseuses, sonnant les cloches de l’apocalypse.

“Ça pour le grognasse.”

Complètement sonné par l’enchainement, l’homme rhino était passé au livide suite à l’impact. Il fallait dire qu’elle n’y était pas allée de main morte. Toutefois, elle le reprit par la corne, avant de lui éclater de toute ses forces la gueule par terre, histoire de l’assomer un bon coup.

“Et ça car tu m’as bien fait chier !”

Voilà, une bonne chose de faite ! Cependant, elle n’avait guère le temps de se reposer. Schwarz avait un peu d’avance sur elle et il semblait être parti par une vieille plaque d’égoût, malheureusement trop courte pour elle et son matos. Pas le choix, si elle voulait toujours compter dans l’équation et aider son collègue, elle allait devoir le laisser ici. C’était le prix à payer pour aller à la poursuite des derniers criminels et mettre le fin mot sur cette affaire !

Décidément, elle ne pensait pas qu’en arrivant ici pour enquêter sur l’histoire d’un avion mystérieusement disparu elle finirait dans les égoûts désaffectés d’une base militaire pour poursuivre des trafiquants d’arme. C’était quand même un peu chaotique cette histoire, mais des personnes plus qualifiés qu’eux se chargeraient de mettre les liens manquant entre les différents éléments. Le rôle des héros, eux, était de foutre les méchants derrière les barreaux, et elle comptait bien se charger de ça.

Toutefois, il était bon de noter que son potentiel offensif allait être diablement limité. Sans ses canons, qui étaient tout de même son arme emblématique, elle se retrouvait armée de ses poings et de ses boucliers. Certes, ses droites étaient tout de même particulièrement violentes, mais bien loin de l’efficacité redoutable d’une arme à feu moderne, surtout dans le pays de l’oncle Sam. Encore heureux qu’ils n’avaient pas été envoyés au Texas, car là, les calibres auraient été deux ou trois fois plus gros.

Cependant une galère en appelait une autre, et après être descendue et avoir dû subir l’odeur peu appréciable des égoûts, Pratty pu constater qu’il y avait une moto abandonnée, ou plutôt sciemment laissée là. Ces types avaient tout de même été jusqu’à prévoir leur évasion si leur plan en apparence infaillible tournait court. A croire qu’ils étaient meilleurs que la quasi totalité des groupes de jeu de rôle qui se contentaient d’un ça passe annonciateur de catastrophes.

“Les clefs hum ?”

Car malheureusement, Schwarz n’avait pas les clefs de l’engin, ce qui allait leur donner un sérieux désavantage sur une potentielle course poursuite. Déjà qu’ils accusaient du retard, comme pouvait le témoigner le bruit des moteurs un peu partout dans les allées des égoûts. Ils allaient devoir faire au plus vite, et elle comprit rapidement ce qu’elle pouvait faire.

“Si c’est que ça.”

Arrachant la partie concernée de sa poigne, l’écossaise refit le même tour de passe passe que précédemment, à prendre les cables et à mutiler son avant bras pour forcer le démarreur à se magner. Et le fait d’entendre juste après la bête rugir était une victoire certes, mais une de courte durée, car ils avaient du pain sur la planche. Ni une ni deux, elle monta dessus avant de lui balancer :

”Monte ! Faut qu’on essaye de les rattraper !”

Même si la course poursuite allait être à l’aveuglette. Dans tous les cas, ils allaient devoir trouver le plus rapidement possible la sortie et espérer que les criminels n’aient pas prit trop d’avance. D’autant qu’ils n’iraient pas attendre leurs potes hein, surement s’étaient-ils donnés un point de rendez-vous qui, de toute façon, était compromis sitôt que l’un d’entre eux fut laissé derrière. Mais même si la moto était chargée, eux aussi l’était, et pour cause : ils avaient tout leur matos à rapatrier.

”C’est probable qu’ils pensaient avoir plus de temps pour piller l’endroit, ils doivent avoir un fourgon ou un pick-up pas trop loin ! Si on le trouve, on pourra les arrêter !”

Et leur faire bouffer toute la poussière du Nevada, mais chaque chose en son temps.

Heureusement qu’il lui était déjà arrivé de piloter une moto par le passé hein… Le moment serait particulièrement mal venu pour annoncer qu’elle n’avait pas la moindre idée de comment faire tourner cet engin à fond la caisse dans des endroits exigus, en étant en danger et en situation de stress. Elle avait un peu d’expérience tout de même. Cependant, ce qu’elle n’admettait pas, c’était qu’il s’agissait de la première fois qu’elle se retrouvait avec un passager ou à devoir faire autre chose que de se plier aux lois de la circulation urbaine. Là il s’agissait d’un rodéo, et d’un assez mouvementé qui plus est.

“Il le serait encore plus si j’devais pas me planter le bras à chaque fois.”

Elle avait quelques petites cicatrices qui s’accumulaient à force. Rien de bien grave, d’autant que les missions qu’elle faisait lui en apportait d’autres, mais il y avait autrement plus hygiénique comme manière de faire que de se planter du métal dans le corps. Heureusement qu’elle passait souvent sur la table d’opération, au moins elle avait le droit à un suivi médical de premier ordre. La moindre bactérie se ferait sniper des kilomètres en avance ! Enfin, façon de parler.

Bref, elle démarra et fonça. La suite… Rattraper ces enfoirés, qui avaient plus que de simple motos. un fourgon déjà, mais comme le suggérait son collègue, peut-être plus. Un plan B au plan B ? Possible, mais de toute façon, des criminels avec des armes trop lourdes et trop nombreuses représentaient déjà une menace à ne pas sous-estimer. Il suffisait d’un peu d’explosif et des tonnes de bétons se chargeraient du travail. Autant dire que de rester ici trop longtemps n’était pas dans les plans de l’écossaise.

Et au fil des croisements, en suivant le son qui résonnait un peu partout, elle parvint à se rapprocher, à voir l’eau stagnante encore un peu trouble et les bruits des moteurs devenir plus forts. Ils étaient là, tout près, et maintenant, les dernieres dizaines de mètres allaient être rock’n’roll.

Car sitôt en vue et voyant que le duo héroïques étaient presque à portée pour leur mettre un bon coup au train, ils accélèrent le rythme, commençant à tenter de semer. Mais plus dangereux encore, ils ouvrirent le feu, ce qui força une manoeuvre d’évasion chez l’écossaise. Mais la place n’était pas forcément large… Donc par hasard, elle se retrouva à moitié sur la pente du mur, prenant un degré par forcément rassurant, mais curieusement stable, surtout pour aborder le virage.

“Woh putain !”

C’était un peu comme des sensations fortes hein, mais bon, elle n’irait pas prendre de risques stupides. Déployant ses boucliers devant elle, elle réduit son champ de vision assez drastiquement, mais au profit d’une solution pare-balle qui irait encaisser.

“Va falloir qu’on se charge d’eux avant qu’une balle finisse par passer !”

Car bon, les suivre avec un pneu crevé ou les jambes criblées de balle était pas véritablement envisageable, pas le moins du monde.

“J’vais nous rapprocher le plus possible, tu penses pouvoir sauter ?!”