Dans les Toiles du Doute
Avec Luz Sierra & Iki Zurdek
Il commençait à se faire tard. Le Soleil disparaissait peu peu derrière les volutes nuageuses de l’horizon, baignant San Francisco d’une douce lumière safranée, appelant presque à la rêverie. Malheureusement, Luz n’était pas d’humeur à la contemplation, tandis qu’elle descendait les rues bondées de la ville, les mains dans les poches, la mine boudeuse. La mexicaine avait passé son après-midi loin de l’internat de Justice University, déterminée à trouver un petit boulot pour ne pas trop dépendre des maigres fonds que lui octroyaient les subventions scolaires mexicano-américaines.
Cependant ses recherches avaient pris une toute autre trajectoire, alors qu’elle consultait des petites annonces d’offres d’emploi placardées sur la vitre d’un bar, quelques heures plus tôt. Elle a entendu un binôme d’individus louches proche d’elle, installés à une table, avoir une conversation quelque peu… étrange, qui semblait se faire dans une relative confidentialité à en croire leur timbre de voix mesuré.
- Hé… t’as entendu l’histoire avec l’Araignée ? Parait qu’elle a eu des démêlés avec Psycho l’autre jour.
- Psssycho ? Moi qui espérais qu'elle se calmerait... Histoire d'laisser les bleus de la J.U se casser les dents sur leurs premières interventions, kss kss kss !
Sur le coup, Luz ne put s’empêcher de froncer les sourcils et de jeter un regard méprisant en direction des deux hommes. L’un semblait avoir une chevelure hirsute, perpétuellement en mouvement, là où l'autre se caractérisait par des traits reptiliens, notamment une imposante queue qui semblait le gêner en position assise.
* Des bleus ? ... Pour qui ils s’prennent ceux là ?! *
Songea t-elle, irritée. L'étudiante les fixa un instant mais réalisa qu’elle risquait de s’attirer des ennuis à les dévisager comme ça. Elle tenta donc de se focaliser sur les propositions d’emploi, notant quelques numéros sur un petit carnet, non pas sans laisser échapper de légères bulles nuageuses par les oreilles. Continuant de mariner dans l’agacement suscité par le fait d’être assimilée à une bleue. Ce qui n’était pas faux dans l’absolu, mais ça la blessait dans son orgueil mal placé.
- Faut croire que non. Elle a bien failli agrandir son tableau de chasse. Être à deux doigts d’attraper l’Araignée, c’est pas donné à tout le monde.
C’est alors que ça avait fait tilt chez Luz. Il y avait des rumeurs sur le campus concernant la quasi-capture d’une criminelle de renom il y a quelques temps. Ces commérages avaient-ils un fond de vérité ? Un semblant d’excitation parcourut alors la jeune femme. C’était peut-être une occasion en or pour en savoir plus sur ce qu’il était advenu de cette "araignée" ? Ces étrangers semblaient la connaître d’une façon où une autre, peut-être allaient-ils la rejoindre ou retrouver des amis à elle ?
* Si j’arrive à situer des contacts d’une pointure… *
Luz s’imaginait déjà mise à l’honneur pour ses investigations ! Un peu tôt pour se réjouir, d’autant plus qu’en tournant à nouveau vers la tête vers les drôles de zigotos, ceux-ci avaient déjà abandonné leur table pour s’éloigner de la terrasse du bar. Plutôt décontenancée, Luz se mis maladroitement à les suivre. Pendant une bonne heure, ne les voyant passer qu’à un kiosque à journaux et un bar tabac avant qu’ils ne semblent se diriger vers des ruelles plus… clandestines. Par ailleurs, la mexicaine était persuadée plus tôt, à un détour de rue, de les avoir vu au loin se retourner et regarder droit vers elle.
* … Huh… ouais. Un piège hein ? Non merci. *
Difficile de dire si c’était la paranoïa qui parlait ou non. Mais Luz ne préférait pas s’engager dans une allée sans témoin. Elle avait confiance en ses capacités, mais pas au point d’aller se frotter à de potentiels partenaires d’une personne capable de tenir tête à une héroïne du calibre de Psycho. Elle repartit donc bredouille, avec juste quelques numéros à appeler pour des petits boulots précaires qui ne risquaient pas de lui rapporter gros.
C’est donc dans un état d’esprit défait qu’elle rentrait à l’internat. Cela aurait pu être une journée glorieuse ou tout du moins constructive pour elle. Mais au final, ça n’avait été qu’une perte de temps. Elle poussa un profond soupir manifesté en une petit nuage blanchâtre s’échappant progressivement de ses lèvres, avant qu’elle ne perçoive, entre les klaxons et les exclamations habituelles de la ville, des cris derrière elle.
- WOOOOAAAAH !!!
Elle zieuta derrière elle et s’écarta brusquement sur le coté, un gamin à vélo lui était passé à quelques centimètres, ce dernier débordant de la voie lui étant réservée. Luz leva le poing, colérique, prêt à l’injurier. Mais quelque chose dans l'attitude du gamin l'interpela. Ça avait pas l’air d’être un jeune ado descendant une pente à toute berzingue pour le frisson. Quelque chose lui laissait entendre qu’il était trop crispé pour être juste en train de faire une connerie volontairement. Puis la voix du gamin confirma sa détresse par un simple.
- 'PEUX PLUS M’ARRETER !!!
Luz eut cette fraction de doute qui lui fit défaut. Cet instant où ses réflexes, encore peu entraînés, ne lui avait pas permis d’avoir les bons gestes au bon moment. Elle aurait pu projeter un nuage pour bloquer le passage du petit et le faire rebondir sur le trottoir, il était encore assez proche. Mais son incrédulité lui avait fait perdre cet infime moment où elle aurait pu agir pour le sauver.
… Merde… !
Elle réalisait son erreur, mais il était trop tard. Mais Luz n’était pas de nature à accepter ses fautes, elle soufflait déjà devant elle une fine mélasse nuageuse glissante sur laquelle elle s’élança, l'utilisant une sorte de planche de surf avec laquelle elle se mit à glisser à toute allure sur la voie cyclable, déterminée à rattraper le gamin dont le vélo n’avait plus de frein.
* Bon… j’le rattrape et… et… et je fais quoi ? *
Là encore, la mexicaine venait de faire une bourde. Se jeter à la poursuite de quelqu’un en danger c’est bien sur le fond. Encore faut-il avoir un plan sûr pour s’en sortir ! Si elle le rattrapait, elle pouvait essayait à nouveau de l’arrêter avec des nuages amortissant. Mais ça sous-entendait se concentrer dessus en étant déjà en plein mouvement à pleine vitesse sur un nuage, étroit sous ses pieds, sur lequel elle devait aussi garder un peu de maîtrise. D’une certaine façon, elle s’était autant mise en danger que le petit, ne pouvant pas particulièrement freiner son propre élan dans cette situation. Qu’à cela ne tienne, elle allait suivre son idée initiale, gagner en vitesse pour essayer de le rattraper. Son coeur battait à tout rompre alors qu’elle accélérait, la respiration haletante, les idées confuses.
* Ok-ok-ok. Anticiper-le-mouvement-du-vélo. Bloquer-avec-un-nuage. Projeter-sur-un-autre-nuage. Pas-se-vautrer-sur-mon-nuage... *
Beaucoup trop d’informations qui arrivaient simultanément dans le cerveau de la jeune mexicaine. Essayant de faire fi des spectateurs médusés devant la scène qui se déroulait sous leurs yeux, et de ces nombreux klaxons frénétiques qui l'assommaient. Luz se rapprochait du petit, assez pour tenter son plan dangereux. Elle devait le faire très vite, sinon ça serait trop tard. Ils arrivaient à un croisement où s’aggloméraient des tas et des tas de véhicules. Si l’un ou l’autre en percutait un, à cette vitesse... ça allait très mal finir. Elle souffla une masse nébuleuse abondante plus loin devant le vélo, s’érigeant tel un matelas cotonneux et dodu. Comme prévu, il rebondit dessus, se retrouvant projeté sur le coté, vers le trottoir. Mais Luz manquait de souffle, elle n’allait pas pouvoir créer un autre nuage assez rapidement pour l’accueillir, il allait heurter le béton. Il y eut alors ce moment de flottement, alors qu’elle allait dépasser le gamin pour elle-même heurter le matelas nuageux. Il était là, tout proche. Comme figé dans le temps, le regard de la mexicaine croisa celui terrifié du petit. C’est alors qu’elle s’élança, quittant le nuage glissant sous ses pieds pour se saisir du gamin qu’elle serra fermement contre elle, le couvrant autant que possible en pivotant sur le coté pour que ça soit elle qui heurte le sol sur son flanc.
* C’est-mieux-qu’une-bagnole. C’est-mieux-qu’une bagnole. C’est-mieux-qu’une-bagnole ! *
Se répéta t-elle continuellement tel un mantra en fermant les yeux, se cramponnant de toutes ses forces à l’enfant. L’impact était proche.
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