La journée avait été longue. Inutilement longue. L’héroïne avait passé la moitié de son temps à attendre dans les embouteillages Californien, le tout pour qu’à peine arrivée sur place, les types qu’elle venait prendre se rendent sans faire d’histoire. Certes, c’était toujours plaisant d’éviter les effusions de sang et les efforts inutiles, mais lorsque la demoiselle avait besoin de se passer les nerfs, il n’en restait rien de plus que le sentiment du devoir accompli accompagné d’une bonne dose de frustration.

Ce soir, repos. Elle l’avait décidé. Et plutôt que de malmener un sac de sable jusqu’à ce que celui-ci n’explose sous les impacts répétés de l’héroïne, elle avait privilégié un autre plaisir : celui d’une bonne bouteille. Ce n’était pas forcément plus sain ceci dit, mais tant que cela restait exceptionnel, alors elle se le permettait. Mais une fois au bar, elle eut la délicate surprise de trouver une tête connue. Que le monde pouvait être petit parfois, surtout dans ce milieu ! Après tout, ils faisaient parti du cercle bien fermé des héros de la ville. Une tâche dangereuse, surtout par les temps qui couraient. Alors raison de plus pour entretenir l’une de ses rares relation positive.

“Je peux ?”

Mais sans attendre la réponse, la demoiselle s’installa sur le tabouret adjacent, faisant signe au barman histoire de capter son attention, pour commander, sans grande originalité :

“Un whisky.”

Et certains iraient critiquer sa politesse. Enfin, il était habituel de dire que les manières de l’écossaise n’étaient pas forcément la matière où elle était la plus talentueuse. Mais bon, à défaut de bonne manière, elle n’irait pas insulter le type ou lui mettre son poing dans la gueule. Tout du moins, pas sans raison.

“T’as pas la tête des meilleurs jours.”

Enfin, face à Nikolaï, il était complexe de dire quelle était sa tête des bons jours. Mais ici, il avait l’air plus épuisé qu’à l’accoutumée. Comme quoi, devenir prof, c’était vraiment aller se faire mettre.

“Remarque, la dernière fois qu’on s’est vu, j’devais pas être dans un meilleur état…”

Une chute à moto n’était pas forcément la chose la plus agréable, et elle avait eu le droit à un repos forcé. Enfin, jusqu’à ce qu’elle décide que c’était bon, elle était restée suffisamment alitée et qu’elle n’aille reprendre ses petites affaires contre l’avis des médecins. Mais elle était une forte tête et son corps boosté parvenait à déjouer les pronostics. Il en faudrait plus pour la clouer une nouvelle fois par terre.

“Alors, qu’est-ce qu’il y a ? T’as une classe remplie d’hybrides renards hystériques ? Ou la machine à café est encore tombée en panne ?”

Se retrouver dans un bar au hasard était une sacrée chance. Une qui arrivait une fois sur beaucoup. Du moins en apparence, car une fois que l’on connaissait les fréquentations, les horaires et les petites habitudes de chacun, la chance n’en devenait pas une. Certains s’étonnaient de voir toujours les mêmes passants en allant au travail, sans même se poser la question qu’ils partaient toujours à la même heure. Enfin, dans le cas présent, le hasard avait bien fait les choses, et l’écossaise répondit au taquet sitôt qu’elle eu l’occasion de poser ses fesses à côté de son collègue.

“J’sais pas, p’tête les fois où tu m’vois pas.”

Mais il fallait admettre que son ancien professeur n’était pas l’animal le plus souriant de la ville. Un grumpy cat moderne, mais potentiellement armé jusqu’aux dents. En tout cas, il pourrait très bien s’agir de son animal totem. Mais est-ce que Nikolaï était grincheux, ou plutôt déprimé ? Elle ne le connaissait pas suffisamment pour s’avancer sur ce terrain là; mais force était de constaté que les deux avaient connu pire, notamment au cours de leur dernière mission, comme il le fit remarquer.

“Pas le temps de chomer, qu’est-ce que tu veux. Les sales types qui infestent la ville vont pas attendre que j’me rétablisse. Enfin, j’suis surtout pas du genre à écouter l’avis des médecins. J’doute qu’ils soient vraiment qualifiés pour traiter une mécanique comme la mienne.”

A ses blessures l’on rajoutait du métal. Certes, elle avait des bandages et des médicamments à prendre, mais tant que ses implants fonctionnaient, elle pouvait bouger, st si elle pouvait bouger, elle pouvait se battre. Peut-être pas avec toute la violence qui la caractérisait, mais avec une bonne partie, et ça, c’était déjà suffisant. Et quand bien même il n’était guère question de renardes, la réponse du héros la fit ricaner un peu :

“Faut croire que tu vieillis !”

Elle souffla un peu, avant de reprendre un peu plus sérieusement sur le sujet.

”J’sais bien qu’on nous impose de récupérer. Mais c’est juste qu’il y a tant à faire… J’suis pas une fonctionnaire, j’compte pas mes heures, surtout quand y’a des vies en jeu.”

Elle haussau un poil les épaules, alors qu’il relança sur un autre sujet, sur une rumeur qui semblait faire son trou maintenant. Celle de sa mort, ce qui la fit soupirer.

”Dépend de ce que t’entends comme connerie hein, mais bon… En gros, j’devais infiltrer la prison d’Alcatraz y’a pas longtemps. Et comme plan, ça a échaffaudé l’idée de simuler ma mort. Du coup tu d’vrais avoir moyen de tomber sur une vidéo d’moi pendue en cherchant un peu. Les vidéos sont vraies, sauf que j’avais une protection autour du cou pour éviter qu’ça m’le brise ou que j’finisse étouffée.”

Elle allait succinctement, passant quelques détails tout de même. Cela avait beau avoir été simulé, l’expérience n’était pas la plus agréable.

”Après, libre à toi d’me taper sur les doigts pour ça. Mais j’dois admettre que d’voir que y’en a qui se font dessus en m’voyant alors qu’ils pensaient que j’étais six pieds sous terre, ça a quelques avantages. Mais j’en ferais pas une habitude. Et puis, quels genre de conseils t’aurais à m’refourguer ?”