Il faisait beau pour un mois de septembre, un ciel bleu ponctué de quelques nuages et des températures chaudes sans être étouffantes. En bref, c’était un cadre idéal pour passer du temps en plein air. C’est justement ce que se disais une jeune fille de première année qui sortit timidement la tête depuis la porte qui donnait sur le toit de l’académie. Étonnamment, malgré le fait que nous étions en pleine pause du midi, il ne semblait pas y avoir grand monde sur le toit. Les étudiants avaient, semble-t-il, préféré déjeuner au réfectoire ou dans leur salle de cours. C’est pour cette dernière option qu’avait opté Abigail. A peine les cours de la matinée terminés, la petite dragonne s’était jetée sur le panier repas qu’elle s’était préparée. En bonne gloutonne qu’elle était et malgré la quantité prodigieuse de nourriture qu’il y avait, il n’avait pas fallu plus de quelques minutes à la demoiselle pour tout engloutir.

Pendant qu’elle mangeait, elle ne prêtait pas vraiment attention aux quelques étudiants autour d’elle qui étaient restés dans la salle de classe. Ce ne fut qu’après un soupir de satisfaction qui conclut son repas que Abigail prit conscience que certains l’observaient et murmuraient. Visiblement, voir une demi portion s'empiffrer comme une ogresse faisait réagir certains. Un peu gênée par cette situation, Abigail rangea ses affaires dans son sac et prit la décision d’effectuer une petite marge digestive. En regardant par la fenêtre le soleil qui brillait, elle se dit qu’aller sur le toit était une bonne idée.

Voilà ce qui avait mené la dragonne solitaire sur le toit désert de l’académie. Assez rapidement, la petite dragonne repéra un banc vers lequel elle se dirigea. Tout en marchant, elle se disait que l’année avait commencé d’une drôle de manière. Le premier jour à l’académie, en bonne élève modèle, Abigail était évidemment arrivée à l’heure…enfin c’est ce qui aurait dû se passer. Au lieu d'assister à la cérémonie de rentrée, l’étudiante avait passé presque toute sa matinée au lit et n’avait pas entendu son réveil sonné. Résultat, elle était arrivée en retard et honteuse à son premier cours. A cause de cet impair qui lui avait valu une réprimande, Abigail n’avait pas osé tenter d’approches avec ses nouveaux camarades. Cela faisait quelques jours maintenant que les cours avaient repris et la dragonne n’avait pas encore noué de véritables liens.

Soupirant de lassitude à cause des ses vilains défauts, Abigail se laissa tomber sur le banc et s’allongea pour essayer de chasser ses mauvaises pensées de son esprit. Très vite cependant, ce qui aurait dû être un banal instant de repos se transforma en une sieste improvisée. La digestion eut pour effet de transformer une simple pause en sommeil de plomb et la respiration calme de la belle au bois dormant laissa la place à d’énormes ronflements d’avantages dignes d’un dragon que d’une princesse.

Abigail dormait comme un loir, la douceur de la température et la digestion l’avaient conduit directement dans les bras de morphée. Bien rapidement, elle avait commencé à rêver qu’elle volait à vive allure dans le ciel. Si pour certains c’est un rêve commun, pour quelqu’un ayant la capacité de se faire littéralement pousser des ailes, ce n’était finalement qu’une rediffusion d’évènements s’étant véritablement déroulé dans un passé proche. Tandis qu’elle volait, la jeune dragonne se mit soudain à perdre le contrôle de sa direction et à plonger à la manière d’un avion dont les commandes ne répondent plus. Avant qu’elle ne touche le sol, le rêve s'interrompit et provoqua son réveil.

“Non maman, laisse moi encore dormir 5 minutes” Bredouilla Abigail tandis qu’elle émergeait lentement de sa sieste digestive.

S’étirant, baillant et se frottant les yeux, il fallut quelques secondes à Abigail pour prendre conscience de son environnement et du fait qu’elle n’était pas dans son lit mais à l’académie. C’est au même moment qu’elle remarqua qu’il y avait quelqu’un devant-elle qui cherchait visiblement à attirer son attention et qui était probablement la cause de son éveil soudain. Après quelques secondes supplémentaires à analyser celle qui lui faisait face, elle crut reconnaître une de ses camarades de classe…Luz elle s’appelait si la mémoire d’Abigail ne lui faisait pas défaut. Camarade de classe…classe…université…COURS ! Réalisant soudain ce qu’il se passait, Abigail regarda sa montre avec un regard qui en disait long sur son état de panique naissant.

“Et mince ça recommence, il a fallu que je m’assoupisse au mauvais moment !” Pesta l’étudiante contre elle-même et sa vilaine manie de piquer un roupillon un peu trop facilement. Reportant son attention sur sa camarade, Abigail parvenait difficilement à garder son calme.

“Vite, il faut se dépêcher avant d’être en retard…” Commença Abigail qui fut coupée dans son élan par le son de la cloche qui annonçait le début des cours de l’après-midi.

Abigail avait du mal à garder son calme, mais si elle faisait tout pour essayer. Avec sa tendance habituelle à s’endormir quel que soit le moment ou le lieu, elle s’était mise en retard pour les cours…encore. Mais pire que ça, avec ses bêtises, une autre de ses camarades allait elle aussi se manger un retard. Visiblement cela n'enchantait guère la nouvelle venue à en juger pour le soupire dépité et plutôt imagé qu’elle poussa. C’était quoi ça, du coton ? De la barbe à papa ? Non, hors de question de se remettre à penser à manger, c’était tout sauf le moment pour ça.

“Moi c’est A-Abigail.” Se présenta sobrement la dragonne légèrement embarrassée. Visiblement Luz avait fait une fixette sur le fait qu’Abby l’est appelée “maman” par inadvertance en émergeant de son sommeil. Pour quelqu’un qui se voulait distinguer, ou du moins qui essayait de l’être, on peut dire que c’était mal barré.

A force de se focaliser sur ses bêtises, Abigail fut, encore une fois, ramenée à la réalité par la voix de Luz qui interrompit le cours de ses pensées ruminantes.

“Te faire confiance ? Et bien…j’imagine que oui.” Répondit Abigail à une question qui, avouons-le, était plutôt vague.

Ce qui se passa ensuite, Abigail ne l’aurait jamais imaginé en dehors d’un doux rêve impliquant la princesse et son prince charmant. Et pourtant, avant même qu’elle eut le temps de réagir ou de s’exprimer de quelque manière que ce soit, la voilà qui se retrouvait dans les bras de Luz telle la princesse qu’on vient délivrer de sa haute tour. Cela avait le mérite d’être cocasse pour quelqu’un dont l’alter la prédisposait plutôt au rôle du dragon gardien que de la princesse en détresse.

Actuellement Abigail était rouge comme une pivoine, son esprit se perdait entre l'incompréhension et des scénarios plus…tendancieux.  Elle tenta bien de contester la situation mais, prise au dépourvu, elle ne bredouillait que des bribes de phrases teintées d'embarras et sans réelle cohérence.  

Lorsque sa camarade sauta du toit avec la dragonne toujours dans les bras, le scénario peu orthodoxe qui se déroulait s’arrêta là. En effet, pas de cri de surprise comme serait tenté de le pousser une personne tombant dans le vide, mais un quasi stoïque. Abigail étant un dragon, elle pouvait voler. Ainsi, une chute libre ne lui faisait guère plus d’effet qu’un manège à sensation.

Lorsque finalement la descente improvisée en nuage prit fin, Abigail en profita pour quitter les bras de sa camarade et tenter de retrouver son amour propre qui avait pris un sacré coup.

“Je ne suis pas lourde, nous sommes juste après le déjeuner, c'est normal.” Se vexa Abigail en réaction à la remarque de sa camarade.

“Et puis ça ne se fait pas de soulever les gens comme ça. C’est le genre de chose qui peut être…mal interprété.” Continua Abigail avec un regard réprobateur mais dont les joues légèrement rosies trahissait la mauvaise interprétation par la dragonne des événements qui venaient de se dérouler.

Puis, se rappelant une nouvelle fois subitement pourquoi elle avait finie dans une telle situation, Abigail se retourna prestement en direction du bâtiment ou les étudiantes avaient cours.

“Vite, il faut se dépêcher si on veut limiter les dégâts…et la colère du professeur !” Intima Abby avant de se mettre à courir en direction de la salle de cours.

Deux étudiantes qui courent dans des couloirs quasiment vides quelques minutes après le retentissement de la sonnerie, c’est certes cliché mais on ne peut plus réel. Après une course de tous les diables avec Abigail en tête de peloton, ce qui est cocasse pour celle qui avait sûrement les plus petites enjambées des deux, les retardataires arrivèrent finalement devant la porte de leur salle de classe. Mais là, le regard flamboyant et plein de hargne d’Abigail la sprinteuse laissa place à une crainte soudaine. La porte close qui lui faisait face lui rappela une nouvelle fois qu’elle était en retard, encore, et qu’elle allait en toute logique se prendre des remontrances, encore. Il n’y avait plus de flammes dans les yeux du petit dragon, seulement un air résigné et un envie de se mettre en boule dans un coin.

Abigail fut surprise quand elle vit Luz prendre soudain les devant et frapper à la porte. Suivant sa camarade de prêt sans oser piper mot, Abigail ne voyait pas grand chose de ce qui se passait étant que Luz faisait barrière entre elle et le professeur. Cela dit, elle n’avait pas besoin de le voir pour deviner qu’il adressait aux deux retardataires un regard sûrement accusateur.

La vision d’Abby fut enfin dégagée lorsque Luz fut envoyée s'asseoir au premier rang. Pour certains c’était la place du fayot, mais pour d’autres, c’était la place des cancres que les professeurs voulaient garder à l'œil. Vu la situation…c’était sûrement la seconde option. Le professeur mit quelques secondes à remarquer Abigail qui se tenait là, immobile, à attendre que son sort soit scellé. Cependant, celui-ci se contenta de soupirer lorsque son regard croisa celui de la petite étudiante et sans même lui adresser un mot lui indiqua simplement, d’un geste de la tête, la place à côté de Luz. Abigail avait, semble-t-il, tellement cumulé les retards que leur professeur ne s’embarassait même plus d’une remontrance normale dans ce genre de cas. En un sens, ce silence évocateur était plus humiliant encore que se faire enguirlander en public.

D’un pas léger et mal assuré, Abigail vint s'asseoir à côté de Luz tandis que le professeur reprenait ses explications. Elle avait du mal à se contrer sur le cours, d’une part car celui-ci n’était pas des plus intéressant et d’autre part car la culpabilité commençait à gagner la jeune dragonne. En effet, non contente de se mettre en retard, elle avait également entraînée une de ses camarades dans ses bêtises. Abby essayait de jeter occasionnellement des coups d'œil en direction de Luz pour vérifier si cette dernière n’était pas trop en colère contre elle. Elle remarqua que Luz dessinait dans son cahier au lieu de copier le cours. Il faut dire qu’Abigail non plus n’était pas très active dans sa prise de notes, elle ne pouvait donc pas lui faire de remarque à ce niveau. Il n’empêche, elles étaient jolies ces esquisses. Abigail cru reconnaître ces costumes de catcher qu’on voyait parfois à la télé.

Luz sembla remarquer que sa voisine l’observait puisqu’elle changea soudainement de position pour cacher ses dessins. Dans son geste, elle adressa un regard un regard à la dragonne qui, en raison des évènements, le prit pour un regard de reproches. En un sens, c’était justifié quand on regardait les évènements qui s’étaient déroulés dans la dernière heure. Luz avait pris de son temps et s’était même mise en retard pour sauver une cancre involontaire et Abigail n’avait rien trouvé de mieux que de lui faire des reproches pour des choses sans intérêt. Honnêtement, si Luz était en colère contre elle, alors c’était amplement mérité et Abigail ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même et à sa droiture mal placée. Soucieuse de s’excuser, à défaut de se faire pardonner, Abigail se mit à griffonner dans le coin de sa feuille. On pouvait y lire la chose suivante : “Je peux te parler à la fin du cours ?”

Discrètement, Abigail fit glisser le cahier vers sa voisine et lui donna des petits coups de coude pour attirer son attention. La cahier tremblait au même rythme que la main qui le tenait. Abigail avait peur de croiser le regard de Luz, regard qui dans sa tête ne pouvait être que chargé de reproches.

Abigail attendait avec appréhension la réponse de sa voisine de classe, elle espérait vraiment qu’elle ne l’avait pas prise en grippe et qu’elle accepterait de la voir à la fin du cours. Elle se fait semble-t-il plus de soucis que nécessaire puisque Luz répondit par ce que Abigail considéra être un oui. Cette affirmation fut corroborée par le petit smiley que Luz dessina sur sa main. Elle ne la détestait pas en fait ? Visiblement Abby s’était fait du mourrons pour rien. Le cœur soudain plus léger, la dragonne rendit volontiers son sourire à sa camarade.

La suite du cours passa étonnamment vite, surprenant pour un cours théorique et dicté sur un ton des plus monotones. La vérité, c’est que Abigail était suffisamment enjouée pour ne pas voir le temps passer. Elle affichait un sourire qui en disait long sur son changement d’état d’esprit par rapport au début du cours. Cependant, elle n’oubliait pas les excuses qu’elle devait présenter à Luz du fait du comportement inapproprié qu’elle avait eu à l’égard de cette dernière.

Quand la cloche sonna pour indiquer la fin de l’heure, Abigail imita ses camarades et se mit à ranger ses affaires dans son sac à dos. A l’invitation silencieuse de Luz, Abby se leva et suivit sa camarade en restant toujours quelques pas derrière elle. Finalement, l’étudiante s’arrêta à un distributeur qui se trouvait peut fréquenter à ce moment de la journée. En un sens tant mieux, c’était moins gênant d’avoir à formuler des excuses en privé que devant une foule d’étudiants susceptibles d’en faire des commérages.  Abigail prit une grande inspiration histoire d’avoir les idées claires avant de se racler la gorge.

“Je tenais à te présenter mes plus sincères excuses pour mon comportement de tout à l’heure. Tu m’es venu en aide et moi en retour je n’ai été que grossière à ton égard, j’en suis sincèrement désolé. Si tu m’en tiens rigueur je comprendrais parfaitement.” Conclut Abigail sur un ton formel en inclinant légèrement la tête en signe d’excuse.

Ne voyant pas ce qu’elle pouvait faire de plus sur le moment, Abigail espérait très fort que Luz accepte ses excuses. Elle cachait sa légère appréhension derrière un visage qui demeurait sérieux.

“Sinon je me demandais, les dessins que tu faisais tout à l’heure c’est pour un costume ? C’était joli en tous cas.” S’enquit Abigail histoire de changer de sujet, troquant son air sérieux par un sourire sincère et un regard emplit de curiosité.

Abigail appréhendait un peu la réaction de Luz, elle espérait sincèrement que sa camarade accepterait ses excuses pour son comportement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la réaction de la mexicaine dépassa toutes ses espérances. Visiblement Luz s’était fait autant de fausses idées sur la situation que Abigail. En clair, on peut résumer ce début d’après-midi à un gigantesque quiproquo qui, d’un regard extérieur, pourrait sûrement paraître un poil comique.

“J’ai été simplement un peu surprise, ça plus le stress du retard m’a fait réagir au quart de tour. Je suis bien plus mesurée en temps normal.” Expliqua Abigail sur un ton plus détendu tandis que la pression accumulée pendant plus de deux heures redescendait d’un coup.

Concernant le sujet sur lequel elle avait embrayé, Abigail avait vu juste, c’était bien des idées de costume que sa camarade dessinait dans son cahier plutôt que de suivre le cours. Tandis que Luz développait sur le sujet, Abigail pouvait voir des étoiles dans ses yeux au fur et à mesure de ces explications. La dragonne fit un petit sourire amusée tant le ton de conversation entre les deux filles était devenu plus léger par rapport à un début d'après-midi plus froid.

“J’en ai déjà vu à la télévision quelques fois, c’est vrai que ces costumes sont jolis et colorés.” Répondit sobrement Abigail en toute sincérité.

Par la suite, lorsque Luz se mit à complimenter le style vestimentaire d’Abigail, cette dernière rougit, ne s’attendant pas à ce compliment soudain.

“M-merci, j’essaye juste d’être un peu coquette quand je peux.” Répondit une Abigail toujours gênée tandis qu’elle s’acheta elle aussi un coca au distributeur. Sa tenue blanche et azurée contrastait avec un accoutrement lycée plus traditionnel. On pouvait presque croire qu’au lieu d’aller en cours, elle se rendait au bal.

“On pourra faire les boutiques à l’occasion si ça te dit, je ferais de toi la plus belle d'Amérique latine.” Répondit Abigail en se faisant volontairement plus orgueilleuse qu’elle ne l’était.

“Plus sérieusement, j’ai un oncle spécialisé dans la création de costume, avec de la chance il pourra t’aider pour le tien. Moi il m’en a fait un prototype en apprenant que j’entrais en filière héroique.” Expliqua la dragonne en pensant que l’idée pourrait possiblement intéresser sa camarade.

“C’est lui qui s’occupe aussi de la plupart des mes vêtements étant donné que j’ai besoin de sur-mesure pour…certaines raisons.” Expliqua t-elle en regardant ses pieds, faisant implicitement référence à sa petite taille qui rendait souvent difficile de trouver des habits sophistiqués qui correspondaient à sa morphologie.

Luz semblait intéressée…ou peut être amusée par la proposition de shopping option relooking faite par Abigail. La mexicaine soulignait la potentielle difficultée d’en faire un canon, Abigail avait du mal à savoir si c’était de l’humour ou de l’excès de modestie. Au final, cela n’avait pas réellement d’importance aux yeux de la jeune germanique qui répondit en restant toujours sur le ton de l’humour.

“Ça tombe bien, j’aime la difficulté très chère. Tu seras ma plus grande réussite, j’en fais le serment.” Plaisanta Abigail en bombant le torse comme pour mimer une fierté exacerbée née d’un grand défi à relever.


Sur la seconde proposition, Luz déclina poliment en indiquant qu’elle avait déjà quelqu’un qui travaillait sur son costume. Bien qu’elle fut légèrement déçue de ce refus, elle ne laissa rien paraître. Si elle avait au moins l’occasion de faire les magasins avec une nouvelle amie un de ces quatre, c’était toujours ça de gagner.

Par la suite, la réaction de Luz ne fut pas exactement ce à quoi s’attendait Abigail. La jeune dragonne avait indiqué avoir besoin de sur mesure sans indiquer que c’était dû à sa petite taille. Visiblement, elle avait été trop implicite puisque sa camarade n’avait a priori pas compris cela.

“Ce n’est pas vraiment une question d’alter, même si ça fait aussi partie du problème. C’est surtout que…” Abigail s'interrompit en essayant de s’expliquer à cause de Luz qui se mettait à lui tripoter la joue.

Légèrement rougissante à cause du geste de sa camarade et de ses commentaires, Abigail fit de son mieux pour garder son sérieux et ne pas réagir au quart de tour comme la fois précédente.

“Tu es du genre tactile ou ce n’est qu’une impression ?” Questionna Abigail de façon purement rhétorique.

“La poupée te remercie de tes compliments, mais je te préviens, je suis une pièce de collection et si tu veux m’acquérir il va falloir mettre la main au portefeuille.” Plaisanta Abigail dans un sursaut d'orgueil.

“Plus sérieusement, j’ai surtout besoin de sur mesure en raison de mon gabarit. C’est parfois difficile de trouver les vêtements que je veux qui soient adaptés à ma taille. Entre ça et les ailes de dragon, heureusement que j’ai de quoi voir venir financièrement…” Expliqua Abigail sur un ton faussement fataliste quoique pas si éloigné de la réalité.

Abigail avait, bien qu’à titre purement anecdotique, évoqué son alter draconique qui pouvaient parfois lui poser quelques soucis de garde-robe. Malgré que ce ne fut pas le cœur du sujet qui portait plutôt sur les problèmes de taille d’Abby, cela allait inévitablement le devenir étant donné l’attrait soudain de Luz pour la question. Abigail eut presque un mouvement de recul lorsque sa camarade s’approcha soudainement d’elle pour regarder dans son dos. Décidément, la latino avait véritablement un problème quand il s’agissait de respecter l’espace vital d’autrui. Quelque peu embarrassée par cette proximité à laquelle elle n’était pas habituée, Abigail recula d’un pas et se racla la gorge pour donner des explications plus claires à sa camarade qui semblait clairement désireuse d’en savoir plus.

“Inutile de chercher, tu ne trouveras pas la moindre écaille sur moi, mes “trucs de dragon” sont bien cachés.” Plaisanta Abigail en adressant un clin d'œil malicieux à sa camarade, chose assez rare pour être soulignée.

“Mon alter me permet de me transformer partiellement en dragon, c’est plus une forme hybride qu’autres choses. Cela transforme mes membres et me dotte d’une paire d’ailes ainsi que d’une queue. Ce sont surtout ces derniers qui m'obligent à avoir mon dos dégagé si je veux me transformer sans ruiner ma garde robe…” Expliqua la germanique en terminant sa phrase d’un ton qui indiquait clairement que c’était du vécu.

“Je ne suis pas un personnage de conte de fée, je ne crache pas de feu malheureusement. Pour le dragon gardien de la plus haute tour, il faudra repasser. Par contre, je peux contrôler le plasma quand je suis sous forme draconique. Bon pour l’instant c’est très imparfait, mais j’y travaille.” Conclut Abigail avec humilité bien qu’on pouvait deviner une certaine motivation dans sa voix.

Après les explications de la dragonne, ce fut au tour de Luz d’expliquer ses capacités. Abigail notait un certain manque d’enthousiasme dans sa voix lorsqu’elle en parlait. Visiblement la différence de “spectaculaire” entre les alters des deux étudiantes sembla jouer brièvement sur le moral de la latino. Abigail aurait presque pu se sentir désolée s’il n’y avait pas eu la suite des événements.

N’étant visiblement pas du genre à perdre le moral facilement, Luz fit apparaître un nuage sous les pieds d’Abby qui fit lentement prendre de la hauteur à cette dernière. Dans un premier, Abigail sautillait légèrement comme pour tester la texture de sa plateforme de fortune. Le trait d’humour qui suivit piqua au vif Abigail qui, au lieu de s’énerver, décida de rentrer dans le jeu de sa camarade.

“Je retire ce que j’ai dit à propos du dragon de conte de fée. Encore une blague sur ma taille et je peux t’assurer que ce sera toi la princesse emprisonnée dans la plus haute tour. Et laisse moi te dire que je suis du genre efficace quand il s’agit de garder mes trésors.” Répondit Abigail en toisant Luz avec un air de défi, se permettant même de lui adresser un sourire chargé d’arrogance.

Timide pendant une bonne partie de l’après-midi en raison du quiproquo survenu entre les deux étudiantes, Abigail était maintenant à l’exacte opposée au niveau des émotions qu’elle éprouvait. Loin de rester sur la réserve, la voilà qui se retrouvait à plaisanter avec Luz comme si tout le reste de la journée n’avait été qu’un mauvais rêve dont elle s’était finalement réveillée. Les plaisanteries d’Abigail, teintées de compliments, avaient encore plus d’effet que ce que la dragonne avait espéré. Le fait d’avoir qualifié Luz, fusse par amusement, de “trésor” et de “princesse” avait fait mouche sur la mexicaine. Entre son rougissement et l’étrange fumée rose qui s'échappait de ses oreilles, Abigail avait vu suffisamment de dessins animés pour se plaire à imaginer que sa camarade se retrouvait forte embarrassée d’être ainsi complimentée. Loin de chercher à s’excuser, Abigail se contenta de sourire malicieusement, ne sachant pas si ses suppositions étaient vraies ou simplement influencées par son imagination.

Mais loin de se laisser démonter, la mexicaine choisit courageusement d’affronter le terrible dragon qui s'enfonça dans les nuages…littéralement. Abigail fut pour le moin décontenancée, tant par le fait d’avoir l’impression de se faire avaler par du coton que par le froid soudain qui l’envahit. Assez sensible au froid, la germanique tenta instinctivement de se débattre pour se libérer de sa prison nuageuse. Elle n’eut cependant pas à se débattre longtemps puisque ses entraves furent dissipées au bout de quelques secondes. Se frottant un peu les bras pour se réchauffer, Abigail ne s’offusqua pas…elle était même amusée.

“Faible ? Honnêtement je ne trouve pas. De ce que j’ai pu en voir, ton alter est polyvalent et relativement pratique. Moi il consomme tellement d’énergie que je passe ma vie à dormir à des heures improbables…et finir en retard en cours.”

Abigail ne cherchait pas spécialement à se dévaluer ou à flatter Luz plus que de raisons, elle était on ne peut plus honnête tant sur ses capacités que sur ce qu’elle pensait de celles de Luz.

“En tous cas ravi d’avoir enfin une bonne amie en guise de camarade de classe. Si ça pouvait m’arriver à chaque fois que je pique du nez, je deviendrais sans nul doute la fille la plus populaire de l’académie.” Plaisanta Abigail tandis que la cloche sonnait pour indiquer la fin de la pause.

Tournant les talons et commençant à marcher, Abigail s’arrêta au bout de quelques pas et porta son regard en direction de sa nouvelle amie.

“Oh en fait, fais attention, tu as tendance à avoir les oreilles qui fument quand tu es gênée.” S’amusa Abigail en adressant un clin d'œil à Luz avant de se remettre à marcher d’un pas fier et assurée. C’était peut être un peu bas de lui faire remarquer, mais la fierté de dragon d’Abigail l’empêchait de conclure sur une défaite.